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Côte d'Ivoire : après la guerre...

C'était en mai 2011... (Textes et photos : Boris Martin)

 

Côte d'Ivoire, Guerre, Action humanitaire

Dans la cour d'un centre de santé d'Abidjan, la guerre à peine terminée, mes pas s'arrêtent sur une photo oubliée... Un polaroid sur lequel un enfant regarde des photos... 

 

Abidjan panse ses plaies. Positionnée depuis le 20 avril, la mission d’urgence de Médecins du Monde appuie les structures locales de santé que les combats violents ont gravement désorganisées.

 

Après la flambée guerrière, l’urgence sanitaire

« Bonne et heureuse année 2011 ». L’immense placard publicitaire qui orne la façade du stade Félix Houphouët-Boigny résonne comme une ironie douloureuse. Ou un espoir. Il rappelle surtout que la vie d’Abidjan, de la Côte d’Ivoire en général, s’est arrêtée quelque part entre la fin de l’année 2010 et le début du mois de mai 2011. Plusde quatre mois de violences qui auraient fait entre 1 000 et 3 000 morts.

Le directeur d’une ONG locale évoque un épisode encore récent de ce que l’on appelle déjà « la bataille d’Abidjan » : « Le jeudi 31 mars, je suis parti comme d’habitude au travail, mais plein d’amis m’ont appelé pour me dire de rentrer car les nouvelles étaient alarmantes. Avec un collègue, nous avons été encerclés par des civils armés qui nous ont laissé passer car nous leur avons dit que nous étions dans un véhicule humanitaire. Une fois rentrés, ce fut la descente aux enfers : les rues étaient vides. Pendant quinze jours, personne ne pouvait plus sortir, on ne voyait que des hommes en armes, parfois avec des couteaux, qui organisaient des barrages pour arrêter et rançonner les gens. »

 

 Appuyer sans se substituer

C’est dans les locaux de cette association ivoirienne que Médecins du Monde a stocké les matériels et médicaments qu’elle a acheminés par avion. Depuis son arrivée, l’équipe d’urgence s’est attachée à identifier les structures de santé et à recenser leurs besoins, le tout en lien avec les autorités sanitaires du pays. Dans les quartiers de Yopougon, mais aussi d’Attécoubé et Willamsville, ce sont vingt-trois centres de santé primaire et un hôpital psychiatrique qui sont concernés, en plus du CHU de Cocody.

 

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Au nord de la ville, une maternité et un dispensaire de quartier sont fermés depuis plus de deux mois. « A partir du 12 février, nous raconte la directrice, notre personnel a demandé à fermer la maternité et le dispensaire car c’était trop dangereux. Alors nous avons arrêté nos activités. Et fin mars, nos deux centres ont commencé à être pillés, saccagés. Depuis nous ne pouvons plus travailler, alors que les personnels sont prêts à reprendre leurs postes. Nous comptons sur les ONG pour redémarrer nos activités. »

 

Relancer l’activité des centres de soins

Et cela commence par une remise en état des installations vandalisées. Pacôme, le logisticien ivoirien de la mission Médecins du Monde, et une aide-soignante du dispensaire parcourent les rues à la recherche de seaux, de gants, de produits de nettoyage. L’affaire n’est pas si simple dans ce quartier qui, quelques jours plus tôt, était encore en proie à des affrontements. Dans les boutiques, sur les étals du marché voisin, les marchandises font parfois défaut. Les habitants sont encore sous le choc. L’un d’entre eux nous interpelle et raconte les tirs en rafale qui ont déchiqueté les façades et puis la fuite, loin, à 200 kilomètres d’Abidjan, « pour sauver notre peau ». D’autres, des femmes en particulier, s’informent : elles veulent savoir quand elles pourront de nouveau aller au dispensaire.

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Car si le nouveau président de la République, Alassane Ouattara, a annoncé la gratuité des soins de santé pour six semaines, les centres de santé publics n’ont pas les moyens de payer le personnel ni d’assurer l’approvisionnement en médicaments. C’est là que Médecins du Monde intervient en appui, pour permettre à ces structures d’assumer cette politique de gratuité et relancer leurs activités au fur et à mesure que les conditions de sécurité sont rétablies. Les équipes remettent donc en état ces centres, assurent leur approvisionnement en médicaments et garantissent la disponibilité du personnel médical.

Au CHU de Cocody, le service de traumatologie ne désemplit pas. Entre le 31 mars et le 22 avril, près de trois cent cinquante blessés y ont été admis, victimes de tirs ayant causé des fractures ouvertes. Lorsque l’équipe de Médecins du Monde est arrivée, une centaine d’entre eux était en attente d’une opération, faute de matériel. Une pénurie qui aura malheureusement abouti à des amputations pour certaines victimes. C’est dire si le matériel ‑ champs opératoires, gants et compresses stériles, seringues, aiguilles, solutés de lavage ‑ que Médecins du Monde apporte est essentiel : « Cela nous permettra de tenir pendant un mois », estime le chef de service.

 

Retour à l’anormal…

Désormais, tout le monde veut croire que le plus dur est passé. Yopougon, dans l’ouest de la ville, le dernier quartier où des combats continuaient, a été désenclavé. Au prix de dizaines de cadavres que la Croix-Rouge ivoirienne a ramassés. Dans ce no-man’s land, plus d’1,5 million de personnes ont vécu des semaines dans des conditions précaires, avec un accès à la nourriture et à l’eau potable limité. Seules quatre des quinze structures de soins de santé primaires étaient accessibles. Médecins du Monde les a ravitaillées en médicaments, mais la réouverture de ce sanctuaire inquiète quant à l’état sanitaire des populations.

La chaleur moite qui enserre Abidjan annonce la saison des pluies. Et avec elle le spectre d’une épidémie de malaria, qui viendrait s’ajouter à la crainte d’épidémies de choléra et de rougeole.

Certes, la ville connaît de nouveau des embouteillages impressionnants : « Un signe que la vie reprend peu à peu… », déclare Josiane, une infirmière de Médecins du Monde qui connaît bien Abidjan. En repassant devant le stade Houphouët-Boigny, on découvre que la publicité n’avait pas dit son dernier mot : « 2011, le meilleur reste à venir ». Espérons pour la Côte d’Ivoire qu’il ne s’agisse pas d’un vœu pieu. 

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Aux origines de la guerre civile

Fin novembre 2010, Alassane Ouattara est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle par la Commission électorale indépendante et reçoit le soutien du premier ministre Guillaume Soro et d’une partie de la Communauté internationale. De son côté, le président sortant Laurent Gbagbo est déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel et reçoit le soutien du général Philippe Mangou, commandant de l’armée. La Côte d’Ivoire se retrouve avec deux présidents tentant de s’imposer sur l’ensemble du pays.

Cette situation va paralyser l’économie du pays et plonger la population ivoirienne dans une nouvelle crise interne. Des combats éclatent à Abidjan entre des forces armées pro-Ouattara et l’armée régulière. Début mars, la tension gagne l’ouest de la Côte d’Ivoire, où les Forces Nouvelles qui contrôlaient une grande partie du Nord du pays, prennent le contrôle de nouveaux territoires. Fin mars les pro-Ouattara, rebaptisés Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) prennent le contrôle de Yamoussoukro, capitale politique du pays. Le sud du pays est conquis en quelques heures et les troupes pro-Ouattara entrent dans Abidjan sans rencontrer de réelle résistance : l’armée régulière et la gendarmerie ont fait défection et se sont rangées du côté d’Alassane Ouattara.

Laurent Gbagbo et sa famille se sont retranchés dans la Palais présidentiel d’Abidjan, protégés par un dernier carré de fidèles. Le palais est assiégé par les forces pro-Ouattara, appuyées par les forces onusiennes et françaises, et Laurent Gbagbo est arrêté le 11 avril.

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