Le monde ne suffit pas
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Dernière parution (23 novembre 2015) : L'adieu à l'humanitaire ?
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2016-12-01T21:40:48+01:00
2015-10-25T19:21:00+01:00
Le 23 novembre 2015 paraissait L'adieu à l'humanitaire ? Les...
<img src="https://size.blogspirit.net/hautetfort.com/lemondenesuffitpas/600/media/01/02/3395517770.jpg" alt=""/><p><span style="font-size: small;">Le <strong>23 novembre 2015 </strong>paraissait <em>L'adieu à l'humanitaire ? Les ONG au défi de l'offensive néolibérale</em>, aux Editions Charles Léopold Mayer, avec le soutien de Coordination Sud, du magazine Altermondes et du Collectif des associations citoyennes.</span></p><p> </p><p><strong><span style="font-size: small;">Le pitch : </span></strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: 11.5pt;"><span style="font-size: small;">Cela fait presque 50 ans qu’en marge de l’État et des entreprises, les ONG humanitaires françaises ont posé les bases d’un modèle social, économique et politique de la solidarité internationale innovant. Fondé sur l’action de terrain, le témoignage et le financement citoyen, il participe du développement d’une société civile parlante, agissante et indépendante. Aujourd’hui, ce modèle est en danger, de plus en plus courtisé par les entreprises qui ont peut-être trouvé dans l’État un allié objectif. Au prétexte de la baisse des financements institutionnels, de la réhabilitation des entreprises qui seraient devenues socialement responsables et de l’union sacrée contre les maux qui ravagent la planète, un écosystème néolibéral s’installe progressivement autour des ONG humanitaires. L’ouvrage de Boris Martin vise à décrypter cette emprise de plus en plus forte qui entonne l’hymne de la réforme comme les politiques invoquent le mot-déclic de « changement ». Chemin faisant, l’auteur revient aux sources du mouvement <em>French doctors</em> et le situe par rapport à d’autres acteurs tentés de capter le label humanitaire. Loin de faire l’impasse sur les difficultés et les ambiguïtés du monde humanitaire, mais prenant résolument sa défense, ce livre est un plaidoyer pour que les ONG humanitaires défendent leurs spécificités et leur richesse qui font d’elles un des derniers contrepouvoirs à la puissance de l’État et de l’économie de marché.</span></span></p>
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Rencontre avec la plus grande ONG du monde : BRAC, Bangladesh
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2014-11-21:5494543
2014-11-21T16:06:33+01:00
2014-11-21T16:06:33+01:00
BRAC : l’ONG-monde La plus grande ONG du monde...
<p style="text-align: center;"> </p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/1126680622.JPG" target="_blank"><img id="media-4769225" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/1180614048.JPG" alt="IMG_5267.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center;"><span style="font-size: medium;"><strong>BRAC : l’ONG-monde</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong>La plus grande ONG du monde est bangladaise… et le monde entier l’ignore. Ce n’est qu’une question de temps. La réussite de BRAC (Bangladesh Rural Advancement Committee) est telle que sa réputation franchit peu à peu les frontières. Au diapason de ses actions qui, d’abord circonscrites au « pays du Bengale », essaiment dans une dizaine d’autres pays d’Asie, d’Afrique et des Caraïbes. Retour sur une success-story.</strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center;"><em><span style="font-size: small;">Reportage réalisé en juin 2014 - Texte et photos : <span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">© Boris Martin</span></span></em></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center;"><em>Texte paru dans la revue </em>Humanitaire<em>, n°39, novembre 2014 : http://humanitaire.revues.org</em></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: large;">La</span></strong> rencontre avec l’efficacité de la machine BRAC commence dès son site internet. Pour qui souhaite en savoir plus sur ses actions, l’ONG-entreprise propose ni plus ni moins de venir les observer sur place, au Bangladesh. Pour cela, une « Unité des visiteurs » a été créée qui se propose d’organiser leur séjour, leur offrant de choisir parmi une quinzaine de programmes répartis sur une vingtaine de sites dans tout le pays. Contre une participation aux frais allant de 20 à 35 dollars US par jour et par personne, BRAC ouvre ses portes aux membres d’ONG, aux institutionnels ou aux chercheurs. C’est dire si cette ONG pas comme les autres est consciente de l’intérêt croissant qu’elle suscite. De fait la curiosité du visiteur ne manquera pas d’être sollicitée.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size: small;">L’empire solidaire</span></strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Dès l’arrivée à l’aéroport de Dacca, son regard sera attiré par les affiches proposant les services de la banque… BRAC. Et tout au long du trajet le conduisant au siège de l’organisation – emporté au cœur du capharnaüm que représente la circulation dans cette métropole de près de 15 millions d’habitants –, il ne cessera de relever les signes de la marque BRAC, comme imprimée dans le tissu social de la vie bangladaise. Au détour d’une avenue saturée de tricycles propulsés par des hommes à la peine, de rickshaws verts en forme de cages grillagées roulantes et d’autocars bariolés tout droit sortis d’un film de Bollywood sur les toits desquels se sont agglutinées des dizaines de personnes, le visiteur croisera les publicités vantant les mérites des vêtements ou des produits laitiers Aarong, fleuron de l’empire solidaire. Peut-être même croisera-t-il une des voitures de l’auto-école BRAC, conduite par une jeune femme pauvre espérant décrocher le précieux sésame ou par… un policier en formation de sensibilisation aux règles de sécurité routière. Au terme de son périple, il aura encore l’occasion de passer devant les locaux de l’Université BRAC – 6000 étudiants – avant de contempler le bâtiment de 20 étages qui forme le quartier général de cette organisation, mélange unique d’entrepreneuriat social et d’actions de lutte contre la pauvreté.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/02/1063484192.JPG" target="_blank"><img id="media-4769230" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/02/1255575181.JPG" alt="IMG_5166.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Le temps de passer par l’hôtel et le restaurant – tous deux intégrés à l’édifice évidemment – et l’on prend alors, quelque peu incrédule, la mesure de celle que certains ont surnommé la « multinationale du développement »<a title="" name="_ftnref1" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn1"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: xx-small;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[1]</span></span></span></span></a><span style="font-size: xx-small;">.</span> À chaque étage correspond un panel d’activités qui, pour la plupart des ONG dans le monde, suffirait à constituer leur unique objet social : droits humains au 6<sup>e</sup> étage, eau-sanitation-hygiène au 8<sup>e</sup>, microfinance au 9<sup>e</sup>, agriculture et sécurité alimentaire au 10<sup>e</sup>, migration et empowerment communautaire au 11<sup>e</sup>, catastrophes naturelles-environnement-changement climatique au 12<sup>e</sup>, éducation au 17<sup>e</sup>, etc. Ce n’est plus une ONG, c’est un couteau suisse. Pourtant, l’élévation dans les étages offre de contempler, par les larges baies vitrées, la réalité autant que les besoins du pays : à quelques dizaines de mètres de là, à perte de vue, s’étale le bidonville de Korail où vivent 50 000 personnes. Pour la seule ville de Dacca, il existe près de 8 000 « slums » comme celui-ci, concentrant quelque 30 % de la population. Alors, on se dit que BRAC ne peut pas être une simple façade, joliment servie par une communication efficace. Son éventail d’activités est à la mesure de ce chantier gigantesque, permanent. Surplombant cette réalité palpable, la tour BRAC fait figure de symbole, comme si l’organisation avait fait vœu de fouler aux pieds la pauvreté et l’iniquité qui en est le ferment.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/1729086177.JPG" target="_blank"><img id="media-4769231" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/806804973.JPG" alt="IMG_5164.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Si elle ne les pas encore, loin de là, éradiquées, cela fait plus de quarante ans qu’elle y travaille. Et dans ce pays de 153 millions d’habitants, classé au 8<sup>e</sup> rang des plus peuplés au monde, avec une densité de plus de 1 000 habitants au km<sup>2</sup> (portée à 44 000 à Dacca), BRAC est une institution que tout le monde connaît. Et pour cause, son histoire est intimement liée à celle du Bangladesh, depuis la naissance du pays au seuil des années 1970 jusqu’à l’effondrement, en avril 2013, du Rana Plazza – un immeuble abritant des ateliers de confection pour des marques internationales de prêt-à-porter – qui causa la mort de plus de 1 000 personnes. Entre ces deux dates se développe ce que Mushtaque Chowdhury appelle le « paradoxe du Bangladesh »<a title="" name="_ftnref2" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn2"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: xx-small;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[2]</span></span></span></span></a><span style="font-size: xx-small;">.</span> Ce pays, qui fait figure d’atelier du monde, se débat avec un produit national brut faible, une disparité de revenus, une pauvreté persistante, une malnutrition importante et un usage encore insuffisant des services de santé de base. Sans compter une malédiction géographique et climatique qui le place régulièrement sur la trajectoire de cyclones et sous les effets de la mousson. Et pourtant. Porté par un taux de croissance de 6 %, il a su développer un système de soins à bas coût tandis qu’en 2010, l’ONU reconnaissait ses progrès sur la voie des Objectifs du Millénaire pour le développement, notamment en matière de mortalité infantile et maternelle. Et BRAC n’est pas pour rien dans ces résultats.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/134693512.JPG" target="_blank"><img id="media-4769232" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/4011710956.JPG" alt="IMG_5073.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong> </strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong>BRAC : une histoire bangladaise</strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Au tout début des années 1970, le « pays du Bengale » n’existe pas en tant que tel. Fruit de la partition de l’Inde en 1947, il forme la partie orientale du « pays des Purs » – le Pakistan – séparée du pouvoir central installé à Karachi par une large bande du territoire indien. Si l’islam est leur point commun, ces deux entités diffèrent par la culture et la langue tandis que l’isolement économique auquel le Pakistan occidental soumet sa partie orientale ne fait qu’attiser les braises de la révolte. Et c’est une catastrophe naturelle qui met le feu aux poudres.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">En deux jours, les 12 et 13 novembre 1970, lecyclone de Bholaravage le Pakistan oriental, tuant entre 224 000 et 300 000 personnes (500 000 officieusement). Le manque de réaction du gouvernement central pakistanais nourrit l’opposition politique bengalie qui prend l’ascendant lors des élections organisées en décembre. Le président pakistanais feint un certain temps de prendre en compte ce verdict des urnes avant d’aviver les tensions qui aboutissent </span><span style="color: #252525;">en mars 1971 à la guerre d'indépendance qui se double d’une </span><a title="Troisième guerre indo-pakistanaise" href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_guerre_indo-pakistanaise"><span style="color: windowtext; text-decoration: none; text-underline: none;">troisième</span></a><span class="MsoHyperlink"> guerre indo-pakistanaise</span><span style="font-size: xx-small;"><a title="" name="_ftnref3" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn3"><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[3]</span></span></span></a></span><span class="MsoHyperlink"><span style="font-size: xx-small;">.</span> L’offensive pakistanaise sur le territoire oriental est des plus violentes : « </span><span style="color: #252525;">Une guerre étrange, atroce, comme on n’en fait plus, et comme on ose à peine imaginer. D’inexplicables histoires d’hindous et de musulmans, des tueries, du sang, un génocide, Saint-Barthélemy de l’Asie, plus mystérieuse et plus terrifiante que la nôtre… », écrira </span>dans son premier livre <span style="color: #252525;">celui qui deviendra </span>BHL<span style="font-size: xx-small;"><a title="" name="_ftnref4" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn4"><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[4]</span></span></span></a>.</span> D’une certaine manière, non sans ambiguïté<span style="font-size: xx-small;"><a title="" name="_ftnref5" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn5"><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[5]</span></span></span></a>,</span> il répondait à l’appel lancé quelque temps plus tôt par Malraux en faveur d’une <span style="color: #252525;">« Brigade internationale pour le Bengale ».</span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/02/2517913725.JPG" target="_blank"><img id="media-4769251" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/02/531525240.JPG" alt="IMG_5388 (2).JPG" /></a></p><p style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #252525;">Alors que les guerres de libération éclatent un peu partout, le « pays du Bengale » attire en effet l’attention du monde entier. Il faut dire que c’est sans doute la première fois qu’une catastrophe naturelle engendre une guerre civile – on estime entre 300 000 et 3 millions le nombre de victimes de cette dernière – et la naissance, en décembre 1971, d’un pays que l’on appelle alors encore le Bangla Desh. C’est peut-être aussi un des rares exemples où, par une sorte d’effet domino, la conjonction de deux désastres – naturel et politique – donnera naissance dans le pays concerné à une ONG, en l’occurrence BRAC. Et il n’est pas sans intérêt de relever que celle-ci apparaît à peu près au même moment où Médecins sans Frontières est créée en France. Par une sorte de raccourci, on pourrait même se risquer à dire qu’à cette époque où l</span>e tiers mondisme commence à entonner son chant du cygne, l’humanitaire français naît du Biafra et BRAC de Bhola.</p><p style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #252525;"> </span></p><p style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #252525;">Le parallèle s’arrête là car si l’ONG qui incarne l’humanitaire <em>French doctors</em> se projette sur les crises survenant à l’étranger, BRAC va se consacrer à sortir son pays de la pauvreté. À l’époque, on prête à </span>Henry Kissinger d’avoir qualifié le Bangladesh de « pays sans espoir ». C’est ce que refuse un jeune comptable d’une trentaine d’années. Après avoir étudié l'architecture navale à l'Université de Glasgow, Fazle Hasan Abed monte dans la hiérarchie de la compagnie Shell jusqu’à en devenir un des dirigeants. Quand éclate la guerre d’indépendance, il lance depuis Londres une initiative d’interpellation et de récolte de dons – <em>Help Bangladesh</em> – avant de retourner dans son pays désormais libre, mais exsangue. C’est alors qu’il abandonne sa carrière plus que prometteuse pour lancer en 1972 BRAC, un modèle d’entreprise sociale qu’il dirige toujours à 78 ans.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/411583196.JPG" target="_blank"><img id="media-4769253" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/86561637.JPG" alt="IMG_5290.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong>Un modèle d’entreprise sociale</strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Quand Fazle Hasan Abed se lance dans cette aventure, il met à profit ce qu’il a appris dans sa carrière relativement courte pour faire de BRAC la synthèse, a priori idéale, entre les modèles de l’entreprise et de l’ONG. Le principe est simple : la première rapporte de l’argent, la seconde le dépense et toutes les deux le font afin de « réduire la pauvreté par l'autonomisation des pauvres », le credo que chaque entreprise du groupe inscrit à son frontispice. De fait, si BRAC se présente comme une ONG, elle est enregistrée au Bangladesh en tant que société, mais c’est toujours la vocation de la première qui est mise en avant. Mushtaque Chowdhury le dit très bien qui voit dans BRAC « une ONG qui a de nombreuses entreprises à son service »<span style="font-size: xx-small;"><a title="" name="_ftnref6" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn6"><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[6]</span></span></span></a>.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Aujourd’hui, ce sont 18 entreprises qui composent l’empire solidaire BRAC, parmi lesquelles une usine d’élevage de poulets (fournisseur du géant KFC pour le Bangladesh), une chaîne de stockage par le froid, une laiterie, une pêcherie, une unité d’insémination artificielle pour bovins ou encore une usine de fabrication d’emballages – notamment pour les produits Aarong, puisqu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. En 2013, ces entreprises ont généré 165 millions de dollars de revenus, soit 2% de plus qu’en 2012. Une gageure en temps de crise.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/3222591192.JPG" target="_blank"><img id="media-4769257" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/3567065258.JPG" alt="IMG_5350.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">La force de BRAC est de créer des entreprises en prise avec des besoins identifiés au cœur de la population pauvre ou modeste du Bangladesh pour répondre d’abord à ces besoins, ensuite développer l’activité des bénéficiaires – plus facilement appelés « clients » – et enfin dégager des bénéfices qui seront mobilisés dans les actions auprès des plus pauvres. Un cercle vertueux en somme. Les profits générés par les entreprises sont ainsi pour moitié dévolus aux programmes de l’ONG, pour moitié réinvestis dans les entreprises elles-mêmes.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Prenons l’exemple du fleuron que représente Aarong. En 1978, l'entreprise est créée pour soutenir l’activité de sériciculture afin que les producteurs de soie filée à la main puissent tirer un prix équitable de leur travail et accéder aux marchés, notamment urbains, où demande et pouvoirs d’achats sont plus élevés. Aujourd'hui, Aarong est devenu l'un des plus grands détaillants du Bangladesh. Et il en va ainsi de la plupart de ses entreprises : les unes permettent d’offrir un marché aux éleveurs de poulets ou aux producteurs de lait, les autres de fournir des aliments moins chers aux premiers ou encore de développer une activité pour les femmes à travers la cueillette du thé, etc… Autrement dit, elles ont-elles-mêmes un objet social, au sens fort du terme. Le système BRAC fonctionne en synergie et de manière holistique, à tel point que les entreprises excédentaires aident celles qui pourraient connaître des difficultés.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Résultat, en 2013, l’ONG BRAC a pu engager dans ses programmes de lutte contre la pauvreté 728 millions de dollars de dépenses, couvertes à près de 80 % par les revenus générés par les activités de ses entreprises sociales, ses investissements et ses services financiers, le reste étant couvert par les dons de bailleurs comme les coopérations anglaise ou australienne, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore l’Unicef. Sans compter les 120 000 salariés qui vivent grâce à BRAC et lui valent sa réputation de plus grande ONG au monde<a title="" name="_ftnref7" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn7"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: xx-small;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[7]</span></span></span></span></a><span style="font-size: xx-small;">.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">Forte de l’empire solidaire qu’elle a su mettre en place, BRAC entend aller encore plus loin et devenir, à terme, autosuffisante à 100 %. </span>Sir Fazle Hasan Abed – il est <span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">chevalier commandeur de l'ordre britannique de Saint-Michel et Saint-Georges depuis </span>2009 – ne cesse de le répéter à la manière d’un mantra : « Small is beautiful, but big is necessary ». Feignant de la prolonger, en réalité il invalide la formule d’<span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">Ernst Friedrich </span>Schumacher qui, dès les années 1970, avait fait une critique sévère de l’économie de marché<span style="font-size: xx-small;"><a title="" name="_ftnref8" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn8"><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[8]</span></span></span></a>. </span>Cette « multinationale du développement » a en tout cas fait la preuve que des entreprises peuvent renoncer à la recherche de la marge maximale pour assumer leur part de responsabilité sociale. Un exemple que les entreprises occidentales pourraient suivre, serait-on évidemment tenté de suggérer. Seraient-elles capables pour autant de pousser aussi loin cette logique qui semble sans équivalent dans le monde ? Instauré dès le lancement de BRAC en 1972, ce modèle fait tellement partie de l’ADN de cette ONG-entreprise que l’on peine à imaginer sa duplication.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="color: #252525; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">Si l'économie est un monde en soi, comme l’affirmait Fernand Braudel, c’est-à-dire « un morceau de la planète économiquement autonome, capable pour l'essentiel de se suffire à lui-même et auquel ses liaisons et ses échanges intérieurs confèrent une certaine unité organique »<span style="font-size: xx-small;"><a title="" name="_ftnref9" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftn9"><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; color: #252525; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">[9]</span></span></span></a>,</span> alors BRAC </span>pourrait bien devenir, et plus vite qu’on ne le pense, l’ONG-monde.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/02/246978685.JPG" target="_blank"><img id="media-4769258" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/02/2133574386.JPG" alt="IMG_5414.JPG" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: right;">L’auteur tient à remercier toutes les équipes de BRAC pour leur accueil et leur disponibilité, et tout particulièrement : Shararat Islam, Asif Imran Khan et A. Mushtaque R. Chowdhury</p><p class="MsoNormal" style="text-align: right;" align="right"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: left;" align="right"><strong style="text-align: justify;">L’auteur</strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; page-break-after: avoid; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">Boris Martin est rédacteur en chef de la revue </span><em>Humanitaire</em><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"> qu’il coordonne depuis sa création. Il est par ailleurs auteur, coauteur ou directeur de plusieurs essais dont </span><em>Critique de la raison humanitaire</em><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"> (dir. avec Karl Blanchet, préface de Rony Brauman), Le Cavalier bleu, 2006 (édition anglaise, 2011 : </span><em>Many Reasons to Intervene : French and British Approaches to Humanitarian Action</em><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">, chez Hurst & Co Publishers Ltd). Il a également publié des récits aux éditions du Seuil </span><em>(« C’est de Chine que je t’écris…</em><strong> </strong><em>»</em><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">, 2004 ; </span><em>Chronique d’un monde disparu</em><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">, 2008) et une fiction aux éditions Elytis en 2010 : </span><em>Hong Kong, un parfum d’éternité. </em><span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">Son dernier ouvrage– <em>L’iconoclaste. </em></span><em>L’histoire véritable d’Auguste François, consul, photographe, explorateur, misanthrope, incorruptible et ennemi des intrigants</em> – est paru en mai 2014 aux Éditions du Pacifique.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p> </p><div><!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" /><hr align="left" size="1" width="33%" /><!--[endif]--><div id="ftn1"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><a title="" name="_ftn1" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref1"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 9.0pt; mso-bidi-font-family: 'Times New Roman';"><!--[if !supportFootnotes]--><span style="font-size: x-small;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></span></span></a><span style="font-size: x-small;"> Julien Bouissou, « La multinationale du développement », <em>Le Monde</em>, 9 mars 2013.</span></p></div><div id="ftn2"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn2" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref2"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> A. Mushtaque R. Chowdhury est vice-président et directeur exécutif par intérim de BRAC. Voir <span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">The Lancet, <em>Bangladesh : Innovation for Universal Health Coverage</em>, vol. 382, n° 9906, 23 novembre 2013, et notamment l’article d’A. Mushtaque R. Chowdhury <em>et al.</em>, « The Bangladesh Paradox : Exceptional Health Achievement Despite Economic Poverty », p. 9-20.</span></span></p></div><div id="ftn3"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn3" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref3"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> <span style="color: #252525;">L'Inde, dont une partie du territoire avait été touché par le cyclone de Bhola, avait déjà fait face à l’afflux de réfugiés qui seront 10 millions au plus fort de la guerre. Avec l’URSS, elle décide de venir en aide à la province</span>sécessionniste. </span></p></div><div id="ftn4"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn4" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref4"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> Bernard-Henri Lévy, <em>Bangla Desh, nationalisme dans la révolution</em>, Librairie François Maspero, 1973, réédité en 1985 aux Éditions Grasset et Librairie Générale Française sous le titre <em>Les Indes rouges</em>.</span></p></div><div id="ftn5"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn5" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref5"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> Une ambigüité que BHL lui-même décrypte de manière intéressante – peut-être même sincère… – dans la préface qu’il a rédigée à l’occasion de la réédition en 1985 du livre précédemment cité.</span></p></div><div id="ftn6"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn6" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref6"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> Lire l’interview de Mushtaque Chowdhury dans le numéro cité de la revue <em>Humanitaire</em>.</span></p></div><div id="ftn7"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn7" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref7"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a> Si World Vision a un budget de 2,6 milliards de dollars, elle déclare 40 000 salariés dans le monde. </span></p></div><div id="ftn8"><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn8" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref8"><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a> <span style="background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">E. F. </span>Schumacher, <em>Small is beautiful : une société à la mesure de l'homme</em>, Le Seuil, 1979 (l’édition originale anglaise datait de 1973).</span></p></div><div id="ftn9"><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><a title="" name="_ftn9" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/BAngladesh/ArticleRevue.docx#_ftnref9"><!--[if !supportFootnotes]--><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[9]</span><!--[endif]--></a></span><span style="font-size: 9.0pt;"><span style="font-size: x-small;"> Fernand Braudel, <em>Civilisation matérielle, économie et capitalisme : <span style="font-variant: small-caps;">xv</span><sup>e</sup>-<span style="font-variant: small-caps;">xviii</span><sup>e</sup> siècles</em>, Paris, A. Colin, 1967.</span></span></p></div></div>
BM
http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/about.html
Reportage : Recycleurs de Manille
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2014-09-16:5448260
2019-05-12T23:56:40+02:00
2014-09-16T00:17:00+02:00
Recycleurs de Manille : la santé comme moteur de...
<p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: large;"><strong><span style="color: #252525;">Recycleurs de Manille : </span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: large;"><strong><span style="color: #252525;">la santé comme moteur de changement</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"> </p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/02/1667783662.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-4691502" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/02/3897779926.jpg" alt="photo MeriBlog.jpg" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong>À Manille, aux Philippines, Médecins du Monde mène un programme de réduction des risques auprès des recycleurs de déchets électriques et électroniques. Par ce projet pilote, l’association médicale intègre la problématique environnementale montante à son volet d’actions. Elle démontre surtout que la santé représente une porte d’entrée privilégiée pour atteindre une communauté particulièrement vulnérable, oubliée d’une croissance philippine prometteuse et réduite à dépendre du rebut qu’accumulent nos sociétés de l’abondance.</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #000000;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span class="apple-converted-space" style="font-size: small; color: #000000;"><strong>Texte</strong> : Boris Martin - <strong>Photo</strong> : Meri Bokeria</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span class="apple-converted-space" style="font-size: small; color: #000000;">Paru dans la revue <a href="http://humanitaire.revues.org/2974"><em>Humanitaire</em>, n° 38, juillet 2014</a></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><a href="http://humanitaire.revues.org/3032">Version anglaise</a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: center; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><em><span style="font-size: small;">R<span style="color: #252525;">eportage réalisé en juin 2014</span></span></em></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #000000; font-size: small;"><strong>D</strong>epuis la voie express qui, au rythme d’une circulation pléthorique, relie l’aéroport international Ninoy Aquino à Manille, on prend peu à peu la mesure de cette ville qui n’en est plus tout à fait une. L’ancienne Maynila, « l’endroit où il y a des manguiers », s’est faite conurbation, étendant ses rhizomes jusqu’à agripper seize autres cités pour former Metro Manila, une des plus grandes métropoles au monde, avec près de vingt millions d’habitants.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">À la faveur d’une rocade un peu plus élevée que les autres, on est presque surpris de dominer la mégapole. Essentiellement horizontale, la Grande Manille s’étale à perte de vue, déroulant ses tapis d’asphalte entre des pâtés de maisons recouvertes de tôles ondulées. Seule exception, Makati. La « petite » ville de quelque 500 000 habitants projette vers le ciel laiteux ses tours ultra-modernes, îlot de verticalité et de prodigalité, symbole d’un pays à la croissance en flèche (7,8 % début 2013). Dans ce quartier d’affaires aux faux airs de Hong Kong, buildings, villas de luxe et gigantesques centres commerciaux cernés de gardes armés forment l’avant-poste d’une société ultralibérale qui a su s’arrimer au train de la mondialisation. Au risque d’oublier une grande partie des siens.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span class="apple-converted-space" style="font-size: small; color: #000000;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong>Makati-Capulong : retour vers le futur</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">Pour s’en rendre compte, il suffit de délaisser Makati pour rejoindre Capulong, un des quatre sites de la métropole où Médecins du Monde s’est installée auprès des communautés de recycleurs informels. Encore faut-il parcourir la dizaine de kilomètres séparant la vitrine avantageuse de l’envers de Metro Manila et ainsi concéder une heure de temps aux embouteillages chroniques. L’occasion d’attraper au vol les indices d’une histoire chaotique qui raconte ce mélange étonnant d’Occident et d’Orient que sont les Philippines.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">Sillonner l’avenue José Rizal, c’est revenir au <span style="font-variant: small-caps;">xix</span><sup>e</sup> siècle, aux Indes orientales espagnoles et en faire surgir l’image de ce héros national, médecin et chirurgien, poète et romancier qui paya de sa vie son opposition au régime colonial. Emprunter Jesus Street, c’est comprendre comment, en trois siècles, ce dernier a fait des Philippines un des rares pays à dominante catholique en Asie. Si le sacrifice de Rizal galvanise les indépendantistes au point que la couronne espagnole abandonne l’archipel philippin, c’est pour mieux le revendre aux États-Unis en 1898. Et l’on réalise alors, en dévalant Lacson Avenue, que l’on roule sur l’ancienne Forbes Street, du nom d’un gouverneur américain. Il aura fallu une guerre, un million et demi de morts philippins et une anglicisation à marche forcée du pays pour que celui-ci, en 1946, réalise enfin le rêve d’indépendance de Rizal. Pour revenir à la réalité de 2014, rien de tel que le retentissement des klaxons des « Jeepneys », ces anciens véhicules de l’armée américaine </span>transformés en transports collectifs bon marché…</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Au cœur de Manila City, la concordance des temps se fait plus hasardeuse encore. Aux avenues modernes, rectilignes et proprettes de Makati ont succédé des ruelles tortueuses et insalubres – parfois bordées de maisons aussi anciennes que décaties – dans lesquelles une population pauvre s’affaire à organiser sa survie quotidienne. Pièces détachées de camions ou de voitures, objets en plastique, tout ce qui a traversé la longue chaîne de la consommation termine ici sa course. Dans Capulong Street, beaucoup d’habitants se sont spécialisés dans les déchets électriques et électroniques.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span class="apple-converted-space" style="font-size: small; color: #000000;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong>Un travail communautaire difficile</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">Sur l’affiche écrite en filipino, le logo de Médecins du Monde (MDM) se fait discret. Tout comme sur les sweat-shirts verts qu’arborent fièrement les membres de la Capulong Waste Recyclers Association. C’est que le vêtement en dit long sur le travail qu’ils ont accompli depuis un an avec le soutien de l’ONG française. Et celle-ci a dû batailler ferme pour les convaincre de s’organiser. Nards est bien placé pour le savoir. À 58 ans, le coordinateur de MDM pour le site de Capulong a une longue expérience du travail communautaire. Et pourtant : « </span>Lors de la première réunion que j’ai organisée, il n’y avait que 2 personnes. Elles m’ont dit qu’on n’arriverait pas à organiser la communauté. J’ai insisté. Je venais là chaque jour, je m’asseyais et personne ne venait me parler. Et lentement le lien de confiance s’est créé. » </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Capulong est le plus sensible des quatre sites sur lesquels MDM a décidé de s’installer. Dans ce bidonville –un des 500 que compterait la capitale et dans lesquels s’entasserait quelque 40 % de sa population –, la vie est dure. Elle n’appelle pas toujours à la solidarité. Alors il a fallu apprendre les lois non écrites, appréhender les conditions de sécurité dans un quartier où le trafic de drogue incite à la méfiance autant qu’il génère de la violence, comprendre comment fonctionnaient les recycleurs : « Même s’ils vivent très près les uns des autres, ces gens ne se connaissent pas plus que cela. C’est une société très individualiste. » Patiemment, il a donc fallu à Nards et à toute l’équipe expliquer le projet que MDM entendait mener au sein de cette microsociété, pour elle et surtout avec elle.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #000000;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong>Un projet pas comme les autres, une problématique mondiale</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">C’est Astrid Heckmann, la coordinatrice générale de la mission, qui a eu l’idée de soumettre à MDM cette problématique montante des déchets d’équipements électroniques et électriques (DEEE) et de leur impact sur la santé des recycleurs informels : « Si on s’éloigne un peu de la notion de santé purement physique et médicale, si on adopte une approche dynamique et globale de la santé comme celle de la charte d’Ottawa </span><sup><span style="color: #111111;">1</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;">, alors on colle au souci de MDM de participer au changement social ». Une extension du domaine de la santé en quelque sorte et qui n’avait rien d’évident pour l’ONG médicale, comme le souligne le docteur Guillaume Fauvel, responsable associatif de la mission et chef de file du groupe Santé-Environnement : « La thématique santé-environnement avait déjà été évoquée à plusieurs reprises ces dernières années à MDM. Nous avions souvent tendance à en conclure qu’il s’agissait d’une problématique complexe car multifactorielle, avec des propositions d’intervention qui n’entraient pas forcément dans le cadre classique d’une ONG humanitaire de santé comme MDM. Qu’il s’agisse de l’impact des essais nucléaires à Mururoa ou de l’accident de Tchernobyl en Biélorussie, ou encore de la problématique de la contamination des sols par l’activité minière en Bolivie, nous y allions toujours de manière assez timide et finalement, sans action véritablement affirmée et solide. Mais chemin faisant, la maison a fini par s’intéresser un peu plus à ces questions, et l’on s’est rendu compte que c’était le social qui, d’une certaine manière, nous permettait de faire le lien entre santé et environnement : certaines des populations ciblées par Médecins du Monde, en grande difficulté d’accès aux soins de base, parce que dans une grande pauvreté et une grande exclusion, étaient en plus exposées à des facteurs environnementaux venant rajouter une couche à leurs difficultés sociales et sanitaires. Cela commençait donc à prendre sens de travailler sur cette approche globale »</span><sup><span style="color: #111111;">2</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;">.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Grands oubliés du casse-tête mondial que représente le recyclage des DEEE </span><sup><span style="color: #111111;">3</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;"> – lequel a su trouver ses solutions techniques en Occident via des voies réglementées –, les recycleurs du secteur informel ont l’immense inconvénient d’être dans les pays du Sud… <span style="text-transform: uppercase;">à</span> ce titre, ils sont comme « sortis des radars » de la surveillance médicale et même de l’application du principe de précaution, alors même qu’ils sont en première ligne. Des études scientifiques considèrent qu’il existe une corrélation très probable entre l'exposition à des déchets électroniques et des changements dans les fonctions thyroïdienne, cellulaire ou pulmonaire (notamment une réduction de la capacité vitale forcée </span><sup><span style="color: #111111;">4</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;"> chez les jeunes enfants) ou des phénomènes d’avortements spontanés, de morts à la naissance, de naissances prématurées et de poids de naissance réduits </span><sup><span style="color: #111111;">5</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;">. Ces liens probables mais toujours hypothétiques demandent à être confirmés par des études épidémiologiques poussées auprès des populations vulnérables. Encore faut-il que des institutions acceptent de financer de telles études dont les cohortes toute désignées se trouvent essentiellement au Ghana, Nigeria, en Inde, Thaïlande, au Vietnam ou… aux Philippines.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span class="apple-converted-space" style="font-size: small; color: #000000;"><strong> </strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong><span class="apple-converted-space">Chez les recycleurs du secteur informel</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Capulong Street est dans l’exact prolongement de la rade qui, à quelques centaines de mètres de là, abrite un des plus grands ports à conteneurs du monde où arrivent chaque année des tonnes de déchets électriques et électroniques en provenance de Chine, du Japon ou de Corée. Si les Philippines ont ratifié la Convention de Bâle </span><sup><span style="color: #111111;">6</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;">, elles n’ont pas signé l’amendement qui aurait permis d’interdire purement et simplement l’arrivée de ces déchets dans le pays. C’est que les Philippines ont vu là une ressource financière, arguant qu’elles disposaient des installations aptes à traiter ces matériels en fin de vie. Astrid modère cet argument : « Sur le papier, il existerait dans le pays 14 usines de recyclage, les <em>Facilities</em> (TSDF) ; en réalité il n’y en a que 2. Et paradoxalement, la contamination au plomb de leurs travailleurs est deux fois plus importante que dans le secteur informel car ils travaillent dans des hangars fermés, sans aération, balaient tous les soirs les poussières contenant du plomb qui du coup se dispersent dans l’air… » Pourtant, ces usines détiennent en quelque sorte le monopole du traitement des déchets venant des entreprises et de l’étranger. Il ne reste aux<span class="apple-converted-space"> recycleurs du secteur informel que les déchets des particuliers. </span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">C’est le cas de Samy, la quarantaine, qui accomplit ce travail depuis vingt-cinq ans. Il se définit lui-même comme « un pionnier » : « J’ai commencé par le recyclage des bouteilles avant de me mettre aux déchets électroniques parce qu’il y en avait de plus en plus. Et puis d’autres ont fait comme moi. C’est devenu moins rentable, mais c’est le seul moyen pour nourrir la famille. » Samy a une femme, Imelda, et cinq enfants ce qui, même pour les très catholiques Philippines qui interdisent l’avortement, les situe au-delà de la moyenne déjà élevée de trois enfants par femme. Ils vivent tous ensemble au fond d’une ruelle de la largeur d’un couloir. C’est là qu’est leur « maison », petite cahute de tôle formant une seule pièce de quatre mètres carrés environ, modèle réduit d’un intérieur rêvé agglutinant télévision, chaîne hi-fi, bibelots couverts de chapelets au milieu desquels trônent des images pieuses. Et puis quelques carcasses de ventilateurs ou de machines à laver qui rappellent l’activité de Samy.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #000000; font-size: small;">Chaque jour, c’est le même rituel. Samy se lève à 4 heures, prépare le déjeuner des enfants, puis va emprunter le capital de 2 000 pesos (environ 30 €) au « Junk shop », sorte de grossiste-ferrailleur. Il donne alors 150 pesos à ses enfants pour leur journée d’école puis quitte à son tour la maison. Il va très loin de Capulong pour acheter aux particuliers ces appareils usagers qui, concurrence oblige, sont de plus en plus difficile à trouver dans le quartier.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="color: #000000; font-size: small;">Un peu plus tard, c’est au tour de Jason d’entamer sa quête quotidienne. Il a 20 ans, un air timide qui lui en donne 16, un sourire gêné sans cesse pendu aux lèvres, son nom « Soriano » tatoué à la manière d’un graffiti sur le bras gauche. Lui aussi, comme tous les jours, est allé emprunter un modeste pécule auquel s’ajoute le prix de la location du triporteur, une autre « prestation » du Junk shop. Une longue errance dans les rues du quartier de Capulong s’annonce. Les mains en porte-voix, le voilà qui entonne son habituelle mélopée : « J’achète vos appareils endommagés ou cassés : ordinateurs, processeurs, téléviseurs, réfrigérateurs, appareils d’air conditionné… J’achète ! » Sa voix, de moins en moins assurée, ne cessera de résonner dans les ruelles durant près de cinq heures. En vain, ou presque : pour tout butin, Jason rapporte un lecteur DVD. Le regard un peu plus las que d’habitude encore, il glisse que c’est un « mauvais jour ».</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">Quand il rentre à Capulong Street, vers 14 h, il est alors temps de démanteler l’appareil qu’il a acheté. Il n’a pas le choix : s’il veut manger, il lui faut en retirer les substances négociables, les revendre au Junk shop et espérer un petit bénéfice quand il se sera libéré de sa dette à l’égard de ce dernier. Il s’installe à même la chaussée avec ses voisins, compagnons d’infortune et néanmoins concurrents. La pêche a semble-t-il été bonne pour Samy qui dépose fièrement quelques microprocesseurs entre les mains du propriétaire du Junk shop dont il reçoit en échange quelques billets : l’équivalent de 5 €, son salaire moyen. L’affaire est plus compliquée pour le jeune Jason : après une demi-heure à démanteler fébrilement le lecteur DVD, il en retire quelques câbles et des processeurs qui lui feront gagner, au final, 50 centimes d’euro.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">Du moins a-t-il pris soin d’utiliser les gants et les outils que MDM a remis à la Capulong Waste Recyclers Association pour qu’elle les distribue elle-même à ses membres. Si le démantèlement d’aujourd’hui s’est avéré relativement inoffensif pour la santé, ce n’est pas le cas des pratiques à risques qui ont alerté l’ONG française : brûlage des câbles pour récupérer le cuivre se trouvant à l’intérieur ou éclatement des tubes cathodiques, des ampoules basse consommation et des néons, autant de techniques sommaires qui dégagent des fumées toxiques, dispersent des poussières de plomb, polluants organiques persistants et autres gaz fluorés. Ces opérations sont souvent menées dans les lieux de vie, à proximité des enfants – quand ces derniers n’y participent pas directement. Et les substances dangereuses de se diffuser dans l’air ou les égouts, impactant toute une population…</span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span class="apple-converted-space">Evelyn sait que ces considérations sanitaires pèsent encore trop peu dans la balance de la survie quotidienne. Coordinatrice du programme MDM pour les quatre sites après avoir été durant 17 ans responsable des services </span>sociaux et du travail communautaire de l’association Caritas à Manille<span class="apple-converted-space">, elle connaît bien ses compatriotes : « </span>Ce que ces gens font chaque jour, je ne pourrais pas le faire, ils ont des vies très difficiles. Cela me motive encore plus pour les aider. Ce qui me porte, c’est de sentir que l’on peut agir sur la vie des gens, que ces derniers ont conscience qu’on est là pour les aider. Ce n’est pas tant le soutien matériel qu’on leur apporte que le fait de se sentir impliqué dans leur vie qui m’inspire : toucher une vie, c’est important… » Nards, « l’ancien de l’équipe » comme il se présente, n’en est pas moins motivé, lui qui a quasiment calqué son existence sur celle des recycleurs de Capulong, se levant à 4 heures chaque matin, passant de longues heures à leurs côtés : « Pour moi, il n’y a pas de différence entre mon travail et ma vie. Chaque jour est fait de nouvelles expériences, il n'y a pas de jour ennuyeux. Ces gens sont là, jour après jour, et ils ont besoin de nous. » Samy le dit à sa manière : « C’est vrai que j’étais malade assez souvent, j’avais des maux de tête, je me sentais très faible. Ça va mieux maintenant, je fais plus attention. » Samy a d’ailleurs été d’un grand soutien pour permettre à MDM de pousser la porte de sa communauté et ainsi créer ce lien sans lequel rien n’aurait été possible.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong>La santé : porte d’entrée pour aider les recycleurs à s’organiser</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Astrid Heckmann le reconnaît : « La première année du programme [juin 2012-juin 2013], il nous a fallu plusieurs mois pour nous faire accepter, expliquer par exemple que nous n’étions pas des indics de la police. Ce travail communautaire, nous l’avions conçu à l’origine comme devant être mené en parallèle avec la réduction des risques et le suivi médical, mais il est en fait rapidement devenu le pivot du projet. » C’est ce qui explique pourquoi l’équipe est en grande partie composée de travailleurs communautaires expérimentés, une équipe de 10 salariés, dont 9 Philippins.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Le programme, conçu pour se dérouler sur 4 ans, jusqu’en juin 2016, développe donc simultanément trois axes qui forment autant d’objectifs : d’abord réduire le risque d’exposition des recycleurs et de leur communauté à des métaux lourds et à des produits toxiques, ensuite améliorer la capacité de réponse de cette communauté à ses propres problèmes, enfin faciliter l’accès de cette communauté à des soins de santé appropriés.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">S’agissant d’un projet comportant une dimension technique, MDM a développé un partenariat avec la Fondation Veolia Environnement, une démarche pragmatique qui n’avait pourtant rien d’évident pour l’ONG. Guillaume Fauvel l’explique très bien : « Le dialogue que nous avons engagé avec quelques organisations environnementalistes s’est révélé compliqué puisqu’elles se prononçaient plutôt pour le bannissement des produits toxiques et l’interdiction de cette activité dangereuse. Or on est en présence de petites familles de recycleurs qui, de toute façon, continueront à s’exposer parce que l’activité leur est nécessaire pour vivre. Une interdiction n’aurait pour effet que d’encourager une activité illégale, clandestine et sans doute encore plus dangereuse. C’est donc vers la Fondation Veolia que nous nous sommes tournés. Autant dire que cela a créé du débat chez nous, certains n’admettant pas qu’on puisse « s’accoquiner » avec la Fondation d’une multinationale qui, dans certains pays du Sud, réalise des bénéfices sur ses activités d’assainissement et de l’eau. Mais nous l’avons validé car ce n’était pas qu’un partenariat financier, mais également un partenariat technique : en se rapprochant de techniciens de Veolia, on a pu travailler avec des spécialistes du recyclage qui sont venus à Manille pour observer et faire des propositions très judicieuses, tout à fait adaptées au contexte des bidonvilles philippins, à base d’appareils peu coûteux, facilement exploitables et reproductibles qui permettent à ces familles de travailler sans se mettre en danger ». De fait, le Programme a été lauréat des Trophées 2013 du Mécénat d’entreprise pour l’environnement et le développement durable remis par le ministère français de l’Environnement : une distinction qui a rempli de fierté les membres philippins de l’équipe…</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">L’appui d’ingénieurs de Veolia, associés au médecin de l’équipe, Christina, a permis de sensibiliser très concrètement les recycleurs à la dangerosité de leur activité. Ces dangers bien souvent invisibles, inodores et aux conséquences à long terme rencontrent le déni forcé que bon nombre de Philippins opposent à la question de leur santé : « C’est le problème numéro 1 des Philippins pauvres qui la considèrent pourtant comme un problème accessoire à côté de leur survie », regrette Andy, le coordinateur trentenaire du site de Camarin. Là-bas, dans le nord de Manille, il suffit de voir comment les enfants brisent à coup de pierre les écrans de téléviseurs, éparpillant les éclats recouverts de produits chimiques pour atteindre le tube cathodique…</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">La réalité incontournable de ces comportements dangereux, justifiés par une logique de survie, plonge bien évidemment ses racines dans des logiques brutales, celles de la pauvreté et de « l’invisibilité sociale » de ces communautés. Prenant acte de ces données, désireuse de ne pas se cantonner à la seule activité de réduction des risques, Médecins du Monde a articulé son programme autour de l’auto-organisation des recycleurs et du renforcement de leurs capacités.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Une fois les communautés sensibilisées et mobilisées, des représentants des recycleurs ont ainsi été élus. Réunis en « groupes de base », ils ont eux-mêmes posé les principes de leur organisation, concrétisée aujourd’hui par l’existence de quatre associations – une par site – regroupant 450 membres au total. Progressivement, elles réunissent leurs assemblées générales, élisent leurs présidents, établissent des comités thématiques. Un pas de géant pour ces populations si proches et pourtant si lointaines, une évolution qui ravit Nards : « C’est presque moi qui ait fait le lien entre elles et maintenant elles ont créé une association, elles se présentent comme une communauté ! » Elles réalisent ainsi qu’elles ont des intérêts communs. Surtout, une fois leur enregistrement officialisé auprès des autorités locales et de la <em>Presidential Commission on Urban Poor</em>, elles seront devenues enfin « visibles » : elles auront gagné le droit d’être des interlocuteurs reconnus.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Elles ont déjà gagné leurs galons de respectabilité au sein même de leurs quartiers : fin 2013, les quatre communautés de recycleurs ont organisé le nettoyage des espaces publics, allant jusqu’à drainer les canaux d’irrigation pour faire de nouveau circuler l’eau dans les canalisations. Depuis les populations portent un nouveau regard sur ces recycleurs qui, à vrai dire, n’avaient jamais vraiment eu bonne presse, précisément du fait des déchets qu’eux-mêmes généraient.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;"><span style="font-size: small;">Dans les prochains mois, ce renforcement des capacités des recycleurs va monter en puissance. Déjà les quatre associations existantes parlent de se fédérer. Peut-être même pourraient-elles envisager de se constituer en coopérative. MDM les appuiera dans cette démarche en leur permettant de suivre des formations (leadership, entreprenariat, législation des coopératives, législation environnementale, etc.). Ce faisant, ce sont elles qui pourraient bien relayer l’ambition que nourrit MDM d’étendre ce programme à d’autres quartiers de la métropole. Car si les avancées observées sur les quatre sites actuels profitent déjà à quelque 2 000 personnes (en comptant les recycleurs et leurs familles), il ne faut pas oublier que les recycleurs se comptent probablement en dizaines de milliers dans cette ville de 20 millions d’habitants.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Une dynamique est en tout cas enclenchée qui témoigne, <em>in vivo</em>, de l’énergie que peuvent retrouver des populations lorsqu’elles sont mises en capacité de s’organiser. Une dynamique qui interroge aussi l’action des ONG qui l’initient. Selon Astrid, « plus les personnes s’approprient le projet et plus MDM doit accepter d’être seulement dans le soutien. Si on parle souvent d’<em>empowerment </em></span><sup><span style="color: #111111;">7</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;"> des communautés, on ne parle jamais du "disempowerment" que cela implique du côté des ONG. Ici MDM l’a intégré dès le départ du projet. »</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">À terme, Astrid en est persuadée, « il faut aider le secteur informel dans sa formalisation. Pourquoi ne pas imaginer des « mini-usines » dans les quartiers où les recycleurs travailleraient au démantelage en toute sécurité avant de revendre le résultat au secteur formel ? C’est le sens de notre tentative de créer dans un des quartiers un espace de recyclage sécurisé, clôturé en journée afin que les enfants n’y accèdent pas, avec un point d’eau pour pouvoir nettoyer le soir ». Il faut compter en effet avec la volonté manifeste de l’État philippin de réglementer davantage l’activité de recyclage dans son pays qui, de plus en plus, fait figure de « décharge régionale » à l’échelle de l’Asie du Sud-Est.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">C’est sans aucun doute ce qu’il faut lire dans une loi philippine récente du 22 décembre 2013 qui a hissé les déchets électroniques au même rang de dangerosité que les déchets nucléaires. Jusqu’alors en effet, ces déchets bénéficiaient d’une zone d’ombre si bien que le travail des recycleurs, pour être informel, n’était pas illégal. C’est maintenant chose faite : dès que des déchets électriques et électroniques arrivent sur le sol philippin, ils tombent désormais sous le coup de cette loi qui impose que leur transport et leur traitement soient sécurisés, autrement dit gérés par les TSDF. C’est là sans aucun doute une mesure excessive s’agissant du transport des déchets électroniques qui n’est pas dangereux en soi. Reste qu’il faut faire avec cette législation nationale qui semble appeler à évoluer puisque le gouvernement envisage le vote d’une nouvelle loi spécifique sur ces déchets : MDM compte bien se positionner dans ce débat afin que les recycleurs du secteur informel ne passent pas, à leur tour, à la trappe… Astrid a bon espoir : « Le gouvernement est attentif au travail de MDM puisqu’il a bien conscience qu’interdire le recyclage informel reviendrait à condamner des milliers de pauvres à perdre un moyen de subsistance pour en trouver d’autres, sans doute franchement illégaux ».</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><strong>La santé : une préoccupation constante pour l’avenir</strong></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Si ce projet s’avère une illustration parfaite du changement social que défend ardemment MDM, cette notion reste pour cette ONG médicale forcément adossée au combat pour la santé pour tous.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Maintenant que les communautés de recycleurs de Capulong, Camarin, mais aussi Bagong Silang ou Longos se sont en quelque sorte saisies de leur destin, que les messages de prévention et de réduction des risques continuent d’être martelés, la santé s’impose plus que jamais comme une priorité. C’est le troisième axe que présente Astrid : « On commence seulement à travailler sur le volet proprement médical, non pas le diagnostic des intoxications, mais l’interpellation du système médical philippin afin que les médecins instaurent un dialogue avec leurs patients, apprennent à prendre en compte le métier de ces derniers pour suspecter des cas d’empoisonnement et être en mesure d’orienter ces personnes vers des services de toxicologie.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><span style="text-align: justify;">Aussi surprenant cela soit-il, et alors même que les recycleurs de Manille hantent les rues de la mégapole, le milieu médical connaît mal la problématique des déchets électroniques. Faiblesse des moyens ou fatalité coupable à l’égard de « pauvres » ? Toujours est-il qu’il est difficile d’intéresser les autorités et les personnels médicaux à la santé des recycleurs, en particulier s’agissant de pathologies à long terme. MDM a cependant réussi à convaincre les 14 toxicologistes que compte le pays à venir rencontrer les recycleurs des quatre associations à l’occasion d’une formation en juillet prochain. Viendra se joindre à ce panel un chercheur épidémiologiste de l’université américaine de Cincinnati. Co-auteur d’un article récent sur les liens probables entre l'exposition à des déchets électroniques et diverses pathologies </span></span><sup><span style="color: #111111;">8</span></sup><span style="font-size: small; color: #000000;"><span style="text-align: justify;">, ce chercheur a choisi le projet de MDM pour réaliser le travail d’approfondissement nécessaire, notamment en suivant des cohortes de recycleurs. Quant à envisager des tests sanguins qui permettraient de diagnostiquer des intoxications, cela reste soumis pour MDM à l’assurance qu’existeront des traitements gratuits pour les personnes dépistées… Or s’agissant de traitements coûteux, nécessitant un suivi et impliquant de ne plus recycler, il faut parier sur la mobilisation du système public de soins philippin et la hargne des recycleurs de Manille.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;">Quoiqu’il arrive, Evelyn aussi mise sur l’avenir : « Si le projet doit s’arrêter dans 2 ans, je sais que notre action aura changé la vie de ces personnes, qu’elle se sera imprimée en elles ».</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: right;" align="right"><span style="color: #000000;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: right;" align="right"><span style="color: #000000;">Texte paru dans la revue <a href="http://humanitaire.revues.org"><span style="color: #000000;"><em>Humanitaire</em></span></a>, n°38, juillet 2014</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: right;" align="right"><span style="color: #000000;"> </span></p><div><hr align="left" size="1" width="33%" /><br /><div id="ftn1"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: small; color: #000000;"><a title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref1" name="_ftn1"><span class="MsoFootnoteReference" style="color: #000000;"><span style="font-size: xx-small;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[1] </span></span></span></span></a><span style="font-size: xx-small;">« La santé est l’équilibre et l’harmonie de toutes les possibilités de la personne humaine (biologiques, psychologiques et sociales), ce qui exige, d’une part, la satisfaction des besoins fondamentaux de l’homme, qui sont qualitativement les mêmes pour tous les êtres humains, d’autre part, une adaptation sans cesse remise en question de l’homme à un environnement en perpétuelle mutation » : définition de la santé retenue dans la charte d’Ottawa, adoptée à l’issue de la première Conférence internationale pour la promotion de la santé (21 novembre 1986) en vue de contribuer à la réalisation de l’objectif de la santé pour tous d’ici à l’an 2000 et au-delà.</span></span></p></div><div id="ftn2"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small; color: #000000;"><a title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref2" name="_ftn2"><span class="MsoFootnoteReference" style="color: #000000;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[2] </span></span></span></a>Propos issus de la table ronde retranscrite dans le numéro 38.</span></p></div><div id="ftn3"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small; color: #000000;"><a title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref3" name="_ftn3"><span class="MsoFootnoteReference" style="color: #000000;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[3] </span></span></span></a>Le Programme des Nations unies pour l’Environnement estime qu’entre 20 et 50 millions de tonnes de tels produits arrivent en fin de vie chaque année dans le monde.</span></p></div><div id="ftn4"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small; color: #000000;"><a title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref4" name="_ftn4"><span class="MsoFootnoteReference" style="color: #000000;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[4]</span></span></span></a> Ou CVF : volume maximum d’air expulsé au cours d’une expiration effectuée le plus rapidement et le plus complètement possible en partant de la position d’une inspiration complète. Ce paramètre fonctionnel respiratoire est mesuré par la spirométrie.</span></p></div><div id="ftn5"><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small; color: #000000;"><a title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref5" name="_ftn5"><span style="color: #000000;"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[5] </span></span></a>Voir notamment Kristen Grant, Fiona C. Goldizen, Peter D. Sly, Marie-Noël Brune, Maria Neira, Martin van den Berg, Rosana E. Norman, « Health consequences of exposure to e-waste: a systematic review », <em>The Lancet Global Health</em>, vol. 1, n° 6, p. 350-361, décembre 2013.</span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><a style="font-size: xx-small;" title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref6" name="_ftn6"><span style="color: #000000;"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[6]</span></span></a><span style="font-size: xx-small;"> La « Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination », entrée en vigueur en 1992, vise à réguler la circulation des déchets dangereux, en particulier des pays développés vers les pays en développement.</span></p></div><div id="ftn6"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><a style="font-size: xx-small;" title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref7" name="_ftn7"><span class="MsoFootnoteReference" style="color: #000000;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[7]</span></span></span></a><span style="font-size: xx-small;"> </span><span class="lettrine" style="font-size: xx-small;">Issu d</span><span style="font-size: xx-small;">es milieux de la recherche anglophone, le terme </span><em style="font-size: xx-small;">« <em>empowerment »</em> – </em><span style="font-size: xx-small;">littéralement « renforcer ou acquérir du pouvoir » –est difficilement traduisible en français. Pour Marie-Hélène Bacqué, il s'agit d'un processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d'action, de s'émanciper. Pour </span><a style="font-size: xx-small;" title="Bernard Jouve (page inexistante)" href="http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Bernard_Jouve&action=edit&redlink=1"><span style="color: #000000; text-decoration: none; background-image: initial; background-attachment: initial; background-size: initial; background-origin: initial; background-clip: initial; background-position: initial; background-repeat: initial;">Bernard Jouve</span></a><span style="font-size: xx-small;">, afin d’être opérationnel, il nécessite la constitution de communautés qui agrègent des acteurs sociaux confrontés à une même problématique.</span></p></div><div id="ftn8"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small; color: #000000;"><a title="" href="file:///C:/Users/Boris/Documents/ReportageBANGLAPHILIPPINES/articlePhilippines1.docx#_ftnref8" name="_ftn8"><span class="MsoFootnoteReference" style="color: #000000;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;">[8]</span></span></span></a> Article cité plus haut, </span><span style="font-size: 9.0pt;"><span style="font-size: xx-small;"><span style="color: #000000;">Kri</span>sten Grant <em>et al</em>., « Health consequences of exposure to e-waste… », art. cit</span></span></p></div></div>
BM
http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/about.html
L'iconoclaste vous salue bien... Pensée pour Simon Leys
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2014-08-17:5429775
2014-08-18T14:01:02+02:00
2014-08-18T13:59:00+02:00
L'iconoclaste continue sa promo! Après la soirée de lancement du 6...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"><strong><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/projets-en-cours/">L'iconoclaste</a></strong> continue sa promo! Après la soirée de lancement du 6 mai dernier aux <a href="http://www.leseditionsdupacifique.com/catalogue/asie-et-oceanie/chine/article/l-iconoclaste">Editions du Pacifique</a> et la présentation à la librairie des Tropiques le 20 juin, de nouvelles dates sont programmées : </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">- <a href="http://www.mairie07.paris.fr/mairie07/jsp/site/Portal.jsp?document_id=17367&portlet_id=544"><strong>Jeudi 28 août à 19 h, Maison des associations du 7e arrondissement, 4 rue Amélie</strong></a>. Dans le cadre de "l’Eté solidaire", Boris Martin présentera son livre. Projection de 200 photos couvrant la vie du consul. Lecture de ses textes.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">- <strong><a href="http://www.librairielephenix.fr/evenements/boris-martin-13176.html">Vendredi 17 octobre à 18h, librairie du Phénix, 72 boulevard de Sébastopol, 75003</a>. </strong><span style="line-height: 18.239999771118164px;">Nous avons le plaisir d'accueillir Boris Martin pour la présentation de son ouvrage sur Auguste François publié en mai dernier par les Editions du Pacifique<span style="font-size: medium;">, </span></span></span><span style="font-size: medium;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif;"><em style="font-family: helvetica, arial, sans-serif; font-size: 12px; line-height: 18.239999771118164px;">L'iconoclaste : L'histoire véritable d'Auguste François, consul, photographe, explorateur, misanthrope, incorruptible et ennemi des intrigants</em></span><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif;"><span style="line-height: 18.239999771118164px;">. </span></span></span><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"><span style="line-height: 18.239999771118164px;">Cette présentation sera accompagnée de l'inauguration d'une exposition de photographies prises par le consul lors de son séjour en Chine à la fin du XIXe siècle et au début du XXe.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">D'autres interventions sont prévues, mais restent à confirmer et préciser : en décembre dans la ville de Vendôme, en mars-avril à la Maison de la Chine... </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">En attendant, on peut écouter l'interview que j'ai donnée au site <a href="http://www.francefineart.com/index.php/component/content/article/36-livres-videos-cinema/livres/1406-025-livres-boris-martin?highlight=WyJtYXJ0aW4iXQ==">FranceFineArt</a>.</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"> ***</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Cette page promotionnelle tournée - ce qui aurait déjà fait grincer des dents l'homme dont je vais parler -, je voudrais évoquer un sinologue qui vient de disparaître: <strong>Simon Leys</strong>. J'ai appris la nouvelle via <a href="http://rue89.nouvelobs.com/2014/08/11/mort-simon-leys-pourfendeur-intellectuels-maoistes-francais-254151">Rue89</a>, site sur lequel on apprendra beaucoup de choses sur cet intellectuel pas comme les autres (c'est-à-dire qu'il en était un vrai). On en profitera également pour se reporter à un article paru dans la revue belge <a href="http://textyles.revues.org/1572">Textyles</a> qui lui avait consacré un dossier en 2008, puisque Simon Leys, de son vrai nom Pierre Ryckmans, était belge. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Je ne le connaissais pas personnellement, mais cet homme m'accompagne depuis longtemps. Il m'intriguait par sa discrétion : il avait fait le choix de s'installer en Australie (considérant notamment que l'on observe mieux le monde lorsque l'on est à ses marges), ne faisant parler de lui qu'à travers ses essais qui sortaient à intervalles réguliers, petites pépites souvent récompensées, toujours saluées. Il m'enthousiasmait par sa rigueur, sa liberté - voire sa rudesse - de ton. Il m'apprit beaucoup de choses sur la Chine mais aussi sur la littérature française et américaine puisqu'il était également critique littéraire.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Il s'était fait connaître en décryptant, à la fin des années 1960, la manœuvre politique de reconquête du pouvoir que Mao avait dissimulée sous le mirage de "Révolution culturelle" auquel beaucoup d'intellectuels occidentaux avait cru. Patiemment, depuis Hong Kong, il en avait tenu la chronique jusqu'à publier "Les habits neufs du président Mao", édité grâce au soutien des Situationnistes français. Par la suite, il creusa le sillon de cette lecture critique aussi bien des gouvernants chinois dévoyant une culture millénaire que des Occidentaux n'ayant jamais compris grand chose à celle-ci. Il ne s'y cantonna pas pour autant, loin de là, s'éloignant le plus souvent possible de ce qu'il considérait sans doute comme un devoir pour aller vers ce qui l'intéressait vraiment. Au gré d'un éclectisme jubilatoire, il écrivit aussi bien sur la peinture et la littérature chinoises que sur la mort de Napoléon, le naufrage du Batavia (un navire de la Compagnie des Indes orientales qui coula au large de l’Australie en 1629) ou plus largement encore sur "La mer dans la littérature française de François Rabelais à Pierre Loti"... Tout cela, il le fit en mettant un soin particulier à dévoiler les imposteurs, les poseurs, les intrigants. Il était un vrai iconoclaste.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">D'autres avaient d'ailleurs songé pour moi - car je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse y porter un quelconque intérêt - à lui demander de préfacer mon dernier livre dont le titre lui serait allé comme un gant. Des antipodes, où nous lui avions fait parvenir une version papier du manuscrit (Leys était semble t-il réfractaire aux e-mail), il avait opposé un silence assourdissant (oui, un oxymore dont il aurait fait une bouchée). D'une certaine manière, il ne m'avait pas déçu, une fois de plus. Pour la petite histoire - et pour être totalement sincère -, j'avais de mon côté sollicité Jean-Christophe Rufin pour qu'il m'accorde cette préface. Je n'eus pas davantage de réponse. De la difficulté d'obtenir le saint sacrement d'une personnalité pour faire parler de son livre... Le directeur des Archives diplomatiques, Richard Boidin, y consentit et je le remercie encore ici de son excellent texte.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Mais j'en reviens à Simon Leys pour conclure par quelques extraits piochés ça et là au hasard de la relecture à laquelle sa mort m'a inévitablement convié : </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">- dans l'avant-propos à son essai <em>Ombres chinoises</em>, évidemment critique à l'encontre des soi-disant réussites du régime de Mao, j'aime la manière dont il assassine ceux qui ont pu s'en faire les hérauts: "ceci a déjà été fait en Occident par d'illustres professionnels mieux qualifiés que moi; je pense par exemple aux ouvrages de Mme Han Suyin [...], aux livres et articles d'Edgar Snow, à tel article du professeur Fairbank [...]. Mon petit livre loin de nourrir l'impudente ambition de rivaliser avec ces écrits, et moins encore de s'inscrire en faux contre eux, voudrait simplement leur servir de modeste complément, leur apportant ces quelques touches d'ombre sans lesquelles les portraits les plus lumineux restent privés de relief, ou encore leur prêtant comme un contrepoint de notations marginales sur des détails qui, pour des raisons diverses, peuvent avoir été négligés par ces prestigieux témoins." C'est tout de même une façon autrement élégante de traiter ces "illustres professionnels" d'imbéciles...</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">- dans <em>L'ange et le cachalot</em>, il dresse un portrait pour le moins nuancé de l'auteur de <em>La Condition humaine</em> : "A la mort de Malraux, un hebdomadaire parisien me demanda d'écrire une page sur le thème : qu'a représenté Malraux pour vous ? Je crus naïvement qu'on souhaitait la vérité; je la livrai donc en toute innocence - mais la rédaction fut horrifiée et l'envoya aux oubliettes. Et pourtant mon papier ne faisait que répéter une banalité bien connue des critiques étrangers les plus divers - de Koestler à Nabokov - qui avaient passé un bon demi-siècle à traiter Malraux de <em>phoney</em> - de charlatan". Pour autant, si la charge semble sévère, l'intégralité des développements de Leys rendent autant hommage à Malraux qu'à la fameuse formule de Beaumarchais : "Sans la liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur". Car Leys écrit aussi : "Malraux pouvait être visionnaire et ridicule, héroïque et absurde - il ne fut jamais médiocre. (Et ses aventures inspirèrent l'enthousiasme de nos vingt ans : si nous devions oublier cela, nous oublierions la meilleure part de notre jeunesse.)" </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">- dans l'avant-propos aux <em>Essais sur la Chine, </em>évoquant le dissident Wei Jingsheng, sa libération après 18 ans de captivité et le fait qu'il reprit son propos là où il l'avait laissé avant d'être incarcéré, Leys évoque une autre figure : "Fray Luis de Léon, qui enseignait à l'université de Salamanque au XVIe siècle, eut maille à partir avec l'Inquisition. On le jeta en prison. Quand il reparut après plusieurs années, il commença son cours de rentrée avec ces mots : "Je vous disais l'autre jour...""</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">- enfin, puisque </span><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">cet homme était en effet doué pour ses avant-propos qui, et c'est rare, peuvent former un seul objet de lecture, </span><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">il intitula celui de son livre </span><em style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Les naufragés du Batavia</em><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"> "Le livre qui ne fut pas", référence à une formule de Segalen dans le livre </span><em style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">René Leys</em><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"> qui lui donna l'idée de son pseudo. Ce liminaire commence ainsi : "Il vous est venu une superbe idée dont vous rêveriez de faire un livre ? Ne vous empressez pas de passer à l'exécution; ce n'est pas nécessaire, car vous pouvez être sûr que, tôt ou tard, quelqu’un d'autre aura la même idée... et en fera un usage parfait." S'en suit l'explication : depuis 18 ans (lui aussi...), il envisageait d'écrire un livre sur l'histoire des naufragés de ce navire, collectant des milliers d'informations, se déplaçant sur le lieu du drame, frémissant lorsque des ouvrages (heureusement mauvais) sortaient sur le même thème, jusqu'au jour où sortit LE livre-somme (qui n'était pas le sien)... Simon Leys admit qu'il n'y avait plus grand-chose à écrire de plus et s'il le fit, ce fut pour conclure son avant-propos par cette phrase rendant hommage au <em>Batavia's Graveyard</em> de Mike Dash : "en publiant les quelques pages qui suivent, mon seul souhait est qu'elles puissent vous inspirer le désir de lire son livre."</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Voilà. Je ne connaissais pas Simon Leys et je crains que ces quelques </span><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">passages ne rendent pas justice à la totalité de son oeuvre, multiforme mais certainement pas disparate tant elle bénéficie d'une colonne vertébrale manifestement composée de la moelle d'un homme qui, jamais, n'a renoncé à ce qu'il était. J'espère en tout cas que ces lignes vous donneront l'envie de le lire.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;">Pour finir, un poème de Lu Xun que Simon Leys avait apposé en épigraphe de ses <em>Essais sur la Chine</em> : </span></p><address><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: small;">"M'étant mêlé d'écrire, j'ai été puni de mon impudence;</span></address><address><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: small;">Rebelle aux modes, j'ai offensé la mentalité de mon époque.</span></address><address><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: small;">Les calomnies accumulées peuvent bien avoir raison de ma carcasse;</span></address><address><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: small;">Tout inutile qu'elle soit, ma voix n'en survivra pas moins dans ces pages."</span></address><p style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: medium;"> </span></p>
BM
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Dhaka : in the mood for the world cup
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2014-06-12:5389844
2014-06-12T17:38:45+02:00
2014-06-12T17:33:00+02:00
C'était le 7 juin à Dhaka (Bangladesh)... © Boris Martin...
<p><strong><em>C'était le 7 juin à Dhaka (Bangladesh)...</em></strong></p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/01/1980029928.JPG" target="_blank"><img id="media-4592697" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/01/1869169588.JPG" alt="Dhaka; Bangladesh; Coupe du monde" /></a></p><p style="text-align: center;"><span style="line-height: 107%; font-family: 'Calibri','sans-serif'; font-size: 11pt; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: 'Times New Roman'; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-ansi-language: FR; mso-fareast-language: EN-US; mso-bidi-language: AR-SA;">© Boris Martin</span></p><p>Depuis plusieurs semaines, les toits, balcons, terrasses de la ville sont bariolés de centaines de milliers de drapeaux aux couleurs du mondial de foot. Essentiellement des drapeaux aux couleurs du Brésil (évidemment) mais surtout de l'Argentine, l'équipe fétiche de la population (marquée par la Coupe du monde de 1978). Ici, un vendeur de drapeaux promenant sa marchandise sur une perche de bambou.</p>
BM
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L'iconoclaste paraîtra le 2 mai prochain...
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2014-03-30:5335887
2014-03-30T22:42:39+02:00
2014-03-30T22:28:00+02:00
Mon dernier projet de livre a trouvé son éditeur : Les Editions...
<p>Mon dernier <a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/archive/2012/06/26/un-oeil-sur-le-monde-auguste-francois.html">projet de livre</a> a trouvé son éditeur : Les Editions du Pacifique.<em> Un œil sur le monde </em>est devenu<strong><em> L'iconoclaste </em></strong>et paraîtra le 2 mai prochain. <span style="text-align: justify;">Illustré par les magnifiques photographies d'Auguste François, mon récit dresse le portrait d'un homme assurément complexe, souvent attachant, parfois irritant. Un personnage comme je les aime, qui m'a permis </span><span style="text-align: justify;">de voyager dans une époque épique, entre l'Indochine, le Paraguay, le Paris de la Belle Epoque et, surtout, la Chine entre 1896 et 1904.</span></p><p><span style="text-align: justify;">Le livre est en pré-commande <a href="http://livre.fnac.com/a7029591/Boris-Martin-L-iconoclaste">ici</a> ou mieux, dans votre librairie de quartier.</span></p><p><span style="text-align: justify;">Une soirée de présentation du livre, point de départ d'une exposition de photographies, aura lieu le <strong>6 mai 2014</strong> aux Editions du Pacifique. Venez nombreux! Pour toute information: </span><a href="http://leseditionsdupacifique.com/accueil/">www.leseditionsdupacifique.com</a></p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/3262235156.jpg" target="_blank"><img id="media-4503213" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/1283912436.jpg" alt="CouvLiconoclaste.jpg" /></a></p><p style="text-align: justify;"><strong>Le pitch : </strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Lorsque, le 6 février 1886, Auguste François embarque à bord du <em>Melbourne</em>, il ignore encore que son existence va basculer. Durant les deux décennies qui s’annoncent, ce consul promis à une belle carrière va parcourir le monde au pas cadencé, menant une vie de diplomate-vagabond, s’improvisant explorateur pour la Société de géographie, armé de son inséparable appareil-photo et de son caractère bien trempé. Misanthrope plus à l’aise en forêt qu’en société, curieux des peuples qu’il rencontre et hostile aux intrigants de tous bords, il ne tardera pas à payer le prix d’une intransigeance maladive, parfois coupable. En Indochine, il fausse compagnie à Paul Bert, ancien ministre et nouveau Résident général, pour s’enfoncer dans le pays au contact des redoutés Pavillons noirs et découvrir les mystérieux Muongs. Le temps d’un intermède dans le Paris de la Belle Époque et le voici en route pour le Paraguay où il contribuera à faire évacuer plusieurs centaines de colons français retenus en otage par le gouvernement d’Assomption. Et puis ce sera la Chine, à la lisière du siècle, entre 1896 et 1904. C’est véritablement dans l’Empire du Milieu qu’il donnera la pleine mesure de son tempérament. Là il s’opposera à Paul Doumer, tout puissant gouverneur de l’Indochine et futur président de la République, bien décidé à construire le chemin de fer du Yunnan, au risque d’une guerre avec la Chine. Là il soutiendra un siège de 14 jours dans son consulat pour sauver la vie de ses compatriotes. Et là encore, il réalisera des expéditions inédites qui lui permettront de remplir des cartes jusqu’alors vierges.</p><p style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">« Pour moi, l’idéal consiste à vivre à ma guise, et à ne pas m’enliser dans la banalité. Vivre d’action, et puis, le moment venu, souffler ma chandelle en souhaitant le bonsoir à la compagnie. » De ce serment, Auguste François aura fait sa vie.</p>
BM
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Côte d'Ivoire : après la guerre...
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2013-08-17:5142518
2014-03-18T23:55:17+01:00
2013-08-17T22:17:00+02:00
C'était en mai 2011... (Textes et photos : Boris Martin) ...
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><em><span style="font-family: Arial, sans-serif;">C'était en mai 2011... </span></em><span style="font-family: Arial, sans-serif;">(Textes et photos : Boris Martin)</span></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: small;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/01/2611755551.JPG" target="_blank"><img id="media-4216505" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/01/1646684537.JPG" alt="Côte d'Ivoire, Guerre, Action humanitaire" /></a></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Dans la cour d'un centre de santé d'Abidjan, la guerre à peine terminée, mes pas s'arrêtent sur une photo oubliée... Un polaroid sur lequel un enfant regarde des photos... </span></p><p style="text-align: center;"> </p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: small;">Abidjan panse ses plaies. Positionnée depuis le 20 avril, la mission d’urgence de Médecins du Monde appuie les structures locales de santé que les combats violents ont gravement désorganisées.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: small;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Après la flambée guerrière, l’urgence sanitaire</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">« </span>Bonne et heureuse année 2011<span style="font-family: Arial, sans-serif;"> ». L’immense placard publicitaire qui orne la façade du stade Félix Houphouët-Boigny résonne comme une ironie douloureuse. Ou un espoir. Il rappelle surtout que la vie d’Abidjan, de la Côte d’Ivoire en général, s’est arrêtée quelque part entre la fin de l’année 2010 et </span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">le début du mois </span></span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">de </span>mai 2011. Plus<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">de quatre mois de violences qui auraient fait entre 1 000 et 3 000 morts.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Le directeur d’une ONG locale évoque un épisode encore récent de ce que l’on appelle déjà « la bataille d’Abidjan » : </span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">« </span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Le jeudi 31 mars, je suis parti comme d’habitude au travail, mais plein d’amis m’ont appelé pour me dire de rentrer car les nouvelles étaient alarmantes. Avec un collègue, nous avons été encerclés par des civils armés qui nous ont laissé passer car nous leur avons dit que nous étions dans un véhicule humanitaire. Une fois rentrés, ce fut la descente aux enfers : les rues étaient vides. Pendant quinze jours, personne ne pouvait plus sortir, on ne voyait que des hommes en armes, parfois avec des couteaux, qui organisaient des barrages pour arrêter et rançonner les gens.</span><span style="font-family: Arial, sans-serif;"> »</span></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: small;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;"> </span><strong style="font-size: medium;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Appuyer sans se substituer</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">C’est dans les locaux de cette association ivoirienne que Médecins du Monde a stocké les matériels et médicaments qu’elle a acheminés par avion. Depuis son arrivée, l’équipe d’urgence s’est attachée à identifier les structures de santé et à recenser leurs besoins, le tout en lien avec les autorités sanitaires du pays. </span><span style="font-family: 'Arial','sans-serif';">Dans les quartiers de Yopougon, mais aussi d’Attécoubé et Willamsville</span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">, ce sont vingt-trois centres de santé primaire et un hôpital psychiatrique qui sont concernés, en plus du CHU de Cocody.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: small;"><img id="media-4216514" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/2536660673.JPG" alt="IMG_1897.JPG" /></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small; font-family: Arial, sans-serif;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Au nord de la ville, une maternité et un dispensaire de quartier sont fermés depuis plus de deux mois. « </span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">A partir du 12 février</span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">, nous raconte la directrice, notre personnel a demandé à fermer la maternité et le dispensaire car c’était trop dangereux. Alors nous avons arrêté nos activités. Et fin mars, nos deux centres ont commencé à être pillés, saccagés. Depuis nous ne pouvons plus travailler, alors que les personnels sont prêts à reprendre leurs postes. Nous comptons sur les ONG pour redémarrer nos activités. »</span></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small; font-family: Arial, sans-serif;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Relancer l’activité des centres de soins</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small; font-family: Arial, sans-serif;">Et cela commence par une remise en état des installations vandalisées. Pacôme, le logisticien ivoirien de la mission Médecins du Monde, et une aide-soignante du dispensaire parcourent les rues à la recherche de seaux, de gants, de produits de nettoyage. L’affaire n’est pas si simple dans ce quartier qui, quelques jours plus tôt, était encore en proie à des affrontements. Dans les boutiques, sur les étals du marché voisin, les marchandises font parfois défaut. Les habitants sont encore sous le choc. L’un d’entre eux nous interpelle et raconte les tirs en rafale qui ont déchiqueté les façades et puis la fuite, loin, à 200 kilomètres d’Abidjan, « <em>pour sauver notre peau</em> ». D’autres, des femmes en particulier, s’informent : elles veulent savoir quand elles pourront de nouveau aller au dispensaire.</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: small;"><a href="http://www.hautetfort.com/admin/posts/Abidjan" target="_blank"><img id="media-4216515" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/00/2567631133.JPG" alt="IMG_1901.JPG" /></a></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small; font-family: Arial, sans-serif;"> </span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Car si </span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">le nouveau président de la République, Alassane Ouattara, a annoncé la gratuité des soins de santé</span><span style="font-family: Arial, sans-serif;"> pour six semaines, les centres de santé publics n’ont pas les moyens de payer le personnel ni d’assurer l’approvisionnement en médicaments. C’est là que Médecins du Monde intervient en appui, pour permettre à ces structures d’assumer cette politique de gratuité et relancer leurs activités au fur et à mesure que les conditions de sécurité sont rétablies. Les équipes remettent donc en état ces centres, assurent leur approvisionnement en médicaments et garantissent la disponibilité du personnel médical.</span></span></p><p><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Au CHU de Cocody, le service de traumatologie ne désemplit pas. Entre le 31 mars et le 22 avril, près de trois cent cinquante blessés y ont été admis, victimes de tirs ayant causé des fractures ouvertes. Lorsque l’équipe de Médecins du Monde est arrivée, une centaine d’entre eux était en attente d’une opération, faute de matériel. Une pénurie qui aura malheureusement abouti à des amputations pour certaines victimes. C’est dire si le matériel ‑ champs opératoires, gants et compresses stériles, seringues, aiguilles, solutés de lavage ‑ que Médecins du Monde apporte est essentiel : </span><span style="font-family: Arial, sans-serif;">« </span><em style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: 12pt;">Cela nous permettra de tenir pendant un mois</em><span style="font-family: Arial, sans-serif;"> », estime le chef de service.</span></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif;"> </span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif;">R</span></strong><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif;">etour à l’anormal…</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small; font-family: Arial, sans-serif;">Désormais, tout le monde veut croire que le plus dur est passé. Yopougon, dans l’ouest de la ville, le dernier quartier où des combats continuaient, a été désenclavé. Au prix de dizaines de cadavres que la Croix-Rouge ivoirienne a ramassés. Dans ce <em>no-man’s land</em>, plus d’1,5 million de personnes ont vécu des semaines dans des conditions précaires, avec un accès à la nourriture et à l’eau potable limité. Seules quatre des quinze structures de soins de santé primaires étaient accessibles. Médecins du Monde les a ravitaillées en médicaments, mais la réouverture de ce sanctuaire inquiète quant à l’état sanitaire des populations.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: small;">La chaleur moite qui enserre Abidjan annonce la saison des pluies. Et avec elle le spectre d’une épidémie de malaria, qui viendrait s’ajouter à la crainte d’épidémies de choléra et de rougeole.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: Arial, sans-serif;">Certes, la ville connaît de nouveau des embouteillages impressionnants : « </span><em style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: 12pt;">Un signe que la vie reprend peu à peu</em><span style="font-family: Arial, sans-serif;">… », déclare Josiane, une infirmière de Médecins du Monde qui connaît bien Abidjan. En repassant devant le stade Houphouët-Boigny, on découvre que la publicité n’avait pas dit son dernier mot : « </span><em style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: 12pt;">2011, le meilleur reste à venir</em><span style="font-family: Arial, sans-serif;"> ». Espérons pour la Côte d’Ivoire qu’il ne s’agisse pas d’un vœu pieu.</span><span style="font-family: Arial, sans-serif; text-align: right;"> </span></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: small;"><img id="media-4216516" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/00/2595663304.JPG" alt="IMG_1914.JPG" /></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"> </p><div style="mso-element: para-border-div; border: solid windowtext 1.0pt; mso-border-alt: solid windowtext .5pt; padding: 1.0pt 4.0pt 1.0pt 4.0pt;"><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify; border: none; padding: 0cm;"><span style="font-size: x-small;"><strong><span style="font-family: 'Arial','sans-serif';">Aux origines de la guerre civile</span></strong></span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify; border: none; padding: 0cm;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: x-small;">Fin novembre 2010, Alassane Ouattara est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle par la Commission électorale indépendante et reçoit le soutien du premier ministre Guillaume Soro et d’une partie de la Communauté internationale. De son côté, le président sortant Laurent Gbagbo est déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel et reçoit le soutien du général Philippe Mangou, commandant de l’armée. La Côte d’Ivoire se retrouve avec deux présidents tentant de s’imposer sur l’ensemble du pays.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify; border: none; padding: 0cm;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: x-small;">Cette situation va paralyser l’économie du pays et plonger la population ivoirienne dans une nouvelle crise interne. Des combats éclatent à Abidjan entre des forces armées pro-Ouattara et l’armée régulière. Début mars, la tension gagne l’ouest de la Côte d’Ivoire, où les Forces Nouvelles qui contrôlaient une grande partie du Nord du pays, prennent le contrôle de nouveaux territoires. Fin mars les pro-Ouattara, rebaptisés Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) prennent le contrôle de Yamoussoukro, capitale politique du pays. Le sud du pays est conquis en quelques heures et les troupes pro-Ouattara entrent dans Abidjan sans rencontrer de réelle résistance : l’armée régulière et la gendarmerie ont fait défection et se sont rangées du côté d’Alassane Ouattara.</span></p><p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify; border: none; padding: 0cm;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: x-small;">Laurent Gbagbo et sa famille se sont retranchés dans la Palais présidentiel d’Abidjan, protégés par un dernier carré de fidèles. Le palais est assiégé par les forces pro-Ouattara, appuyées par les forces onusiennes et françaises, et Laurent Gbagbo est arrêté le 11 avril.</span></p></div>
BM
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Au cœur d’Angkor : la Citadelle des femmes
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2013-05-19:5074662
2013-08-16T17:31:38+02:00
2013-05-19T18:34:00+02:00
Depuis de nombreuses années, Médecins du Monde mène des actions de...
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;"><strong>Depuis de nombreuses années, Médecins du Monde mène des actions de prévention et tente d’apporter des réponses aux violences subies par les femmes dans plusieurs pays. Pour appuyer cette démarche, l’association a décidé de témoigner en réalisant l’exposition </strong><strong><em>Femmes, après coup</em></strong><strong>, fruit du travail mené par le photographe Lâm Duc Hiên dans sept pays où intervient MdM. En décembre 2012, l’exposition faisait halte au Cambodge. </strong></span><strong style="font-size: x-small;">© Texte et photos de l'article : Boris Martin - </strong><strong style="font-size: x-small;">Les photos exposées sont de Lâm Duc Hiên</strong></p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/00/3062966586.2.jpg" target="_blank"><img id="media-4108346" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/00/59294664.2.jpg" alt="angkor,boris martin,récit,lâm duc hiên" /></a></p><p class="MsoNormal"><strong style="font-size: x-small;"><br /></strong></p><p> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><strong style="font-size: 11px;"><span style="font-size: medium;">Au cœur d’Angkor : la Citadelle des femmes</span></strong></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">« Je ne trouve pas les mots… Ce sont surtout les visages de ces femmes qui me frappent. » Oudom a 19 ans, la fraîcheur de son âge, le sourire avenant de son peuple, l’envie de parler. Avec un ami, ce jeune Cambodgien a décidé de venir voir l’exposition organisée par Médecins du Monde. Parmi tous les clichés que le photographe Lâm Duc Hiên a rapportés des quatre coins de la planète, c’est sur une photo prise au Pakistan que s’est posé le regard d’Oudom. La scène se tient à Lahore, dans un <span style="background-position: initial initial; background-repeat: initial initial;">Dar-Ul-Aman, un refuge d’État où sont accueillies les femmes victimes de violences. </span>On y voit l’une d’elles, effondrée, soutenue par deux autres femmes. Les mains se lient, se font attelle, pour un peu on croirait entendre les paroles de réconfort murmurées derrière les voiles aux couleurs chatoyantes. La douleur est là, palpable et insondable, intime et contagieuse. Lahore-Siem Reap : 3 600 km… Les yeux d’Oudom oscillent entre la photo et sa légende, traduite en khmer : « Je réalise qu’il y a beaucoup de violence ailleurs aussi… Je suis très choqué, mais aussi très ému par la consolation qu’apportent ces deux femmes à leur amie. »</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/1863931874.JPG" target="_blank"><img id="media-4108228" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/2791700036.JPG" alt="Angkor, Boris Martin, Récit, Lâm Duc Hiên" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">La nuit commence à tomber sur l’exposition installée dans le centre de Siem Reap, aux portes d’Angkor, là où les vestiges de la culture khmère émergent chaque jour un peu plus, rescapés du temps et du génocide orchestré par Pol Pot. À l’image d’Oudom, les visages des visiteurs se perdent peu à peu dans la pénombre quand ceux des femmes photographiées en sortent, illuminés par les éclairages, comme sortis de l’oubli. Eux aussi. Posées sur des mannequins d’acier surmontés d’ombrelles arborant ce jaune safran symbole des moines bouddhistes, les photographies éclatent dans leur dureté et leur beauté mêlées. Les visages de ces damnées de la Terre interrogent, interpellent, défient presque le visiteur. À quelques mètres de là, la rivière qui a donné son nom à la ville déroule son cours paisible. Trois jours plus tôt, ses flots charriaient de minuscules embarcations, coupelles en forme de lotus ou de cœur, surmontées de bâtons d’encens et de bougies, que les familles rassemblées mettaient à l’eau, formant des vœux secrets pour l’année, pour la vie… La Fête des Eaux, dont on dit qu’elle a pour but de « remercier l’Eau et la Terre de leurs bienfaits et s’excuser de les avoir souillées »<a title="" name="_ftnref1" href="file:///C:/Documents%20and%20Settings/HP_Propri%C3%A9taire/Mes%20documents/ReportageCambodgeBirmanieD%C3%A9c2012/CarnetAngkor/Article%20Expo%20Angkor.docx#_ftn1"></a><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Times New Roman','serif'; mso-fareast-font-family: 'Times New Roman'; mso-ansi-language: FR; mso-fareast-language: EN-US; mso-bidi-language: AR-SA;">[1]</span></span></span>, s’achevait au rythme lent de frêles guirlandes transportant mille et un espoirs. Parmi eux, peut-être, celui de conjurer la folie des hommes.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Le combat des femmes, ce soir, se joue sur les berges de la Siem Reap, au milieu des jardins du <em>Raffles</em>, où l’exposition bat maintenant son plein. Dans l’obscurité, presque à tâtons, les visiteurs se pressent autour des mannequins portant témoignage de violences physiques, psychologiques ou économiques. Ici des jeunes filles se prostituant dans les rues de Kinshasa, là des ouvrières guatémaltèques soumises à des cadences infernales, là encore des femmes violées en Haïti. Défilé de douleurs. Face à elles, avec elles, des hommes, des femmes, des enfants entament un dialogue, silencieux d’abord, partagé ensuite. Kimly est une jeune femme d’une trentaine d’années venue avec sa fille qui fête ses dix printemps : « J’essaie de comprendre ce qui se passe dans la photo. Je voudrais aussi que ma fille comprenne. Ces photos parlent de la vraie vie, elles sont tellement parlantes. »</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/00/3773444578.jpg" target="_blank"><img id="media-4108234" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/00/2398446647.jpg" alt="Angkor, Boris Martin, Récit, Lâm Duc Hiên" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="mso-bidi-font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-family: 'Times New Roman'; text-transform: uppercase;">à </span>l’image de Kimly, Soda est venu en famille avec son épouse Dany et leur fils Tonton. Il a pourtant hésité à sauter le pas, à se faufiler entre les expatriés et touristes occidentaux attirés par l’audience internationale du Festival. Comme beaucoup de ses compatriotes, Soda n’est pas à l’aise dans ces espaces culturels, tellement codés, pour tout dire surfaits où se presse un public qui ne lui ressemble pas. En organisant cette exposition à ciel ouvert, en plein centre-ville et en accès libre, Médecins du Monde voulait faire en sorte de rapprocher les uns et les autres. Pour cette soirée d’inauguration, à voir les Français, Australiens ou Anglais qui se déplacent avec aisance un verre à la main, le pari n’est pas complètement gagné. Mais Soda ne s’est pas démonté. Il a franchi cette frontière invisible, celle de la défiance et de l’effacement spontané qu’affectent les gens de son milieu : « Je pensais que ma femme et mon fils devaient savoir que, dans le monde, beaucoup de femmes ne sont pas libres. Au Cambodge aussi, la plupart des hommes contrôlent les femmes. Ils ne les considèrent pas comme leur égales, même si le gouvernement mène des campagnes en ce sens ». Moins sibyllin qu’Oudom, Soda est persuadé que cette exposition « <span style="background-position: initial initial; background-repeat: initial initial;">peut aider les Cambodgiens à réaliser qu’il y a de la violence ici aussi.<span style="color: #222222;"> » </span></span></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour s’en rendre compte. À Angkor, parmi les centaines de temples qui parsèment la campagne environnante, il en est un qui ne laisse personne indifférent : Banteay Srei, « la Citadelle des femmes ». Ce nom lui aurait été donné par les populations du lieu, fascinées par ses sculptures tellement raffinées qu’elles ne pouvaient être l’œuvre d’hommes. Au seuil de cette merveille dédiée à Shiva, ce dieu symbole de la totalité du monde, souvent représenté par un phallus dressé, il est possible que vous croisiez le chemin d’une mendiante dont vous vous souviendrez toute votre vie. Défigurée à l’acide, elle a subi le sort de celles qui auraient trompé leur mari, souillant ainsi la fierté familiale. Crime d’honneur, dit-on. Pour prix de cet oxymore, depuis, ses lèvres lisses ne retiennent plus la salive, ses yeux figés n’acceptent plus le clignement des cils, les boursouflures ont ravagé son visage, sa langue ne martèle plus aucune syllabe pour vous remercier de l’attention que vous lui portez et du billet que vous glissez, impuissant, dans sa main paralysée. Reste son regard… Recluse dans son propre corps, victime des hommes réfugiée dans la Citadelle des femmes. Alors vous la quittez, mi-soulagé mi-fou de colère, pour suivre le flot de touristes débonnaires qui vous emmène vers « la merveille ». Après l’horreur, la beauté, Banteay Srei et ses bas-reliefs de grès rose au milieu desquels, à la faveur de la mousson, des graines ont réussi à germer, donnant naissance à de timides pousses. Vous regardez négligemment les représentations des Devatâ, ces<span style="background-position: initial initial; background-repeat: initial initial;">nymphes célestes aux yeux clos arborant un sourire désarmant de sérénité, vous appréciez « la fraîcheur de leur jeune corps au torse nu, la grâce de leurs gestes souples et de leurs doigts fuselés tenant un lotus ou jouant avec des cordons de fleurs »<a title="" name="_ftnref2" href="file:///C:/Documents%20and%20Settings/HP_Propri%C3%A9taire/Mes%20documents/ReportageCambodgeBirmanieD%C3%A9c2012/CarnetAngkor/Article%20Expo%20Angkor.docx#_ftn2"></a><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; font-family: 'Times New Roman', serif; background-position: initial initial; background-repeat: initial initial;">[2]</span></span></span>. </span>Mais quelque chose – non, quelqu’un – vous retient à tout jamais d’en savourer la beauté.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/2988408294.jpg" target="_blank"><img id="media-4108235" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/3238041443.jpg" alt="Angkor, Boris Martin, Récit, Lâm Duc Hiên" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">La violence, Sinoun peut témoigner qu’elle « l’a souvent vue dans son quotidien », même si elle refuse d’en dire plus. Divorcée, la quarantaine, elle se cache presque derrière l’une de ses deux filles, Lineat, qui l’a accompagnée et décrypte pour elle les légendes des photographies. Sinoun n’a jamais appris à lire, mais elle a des choses à dire : « Je suis très choquée. Il faut aussi freiner la violence au Cambodge. On n’en parle pas assez, parce que c’est dans la culture khmère de taire ces choses-là. Nous pouvons apprendre des autres cultures et de leur manière de traiter cette question. En tout cas, de voir ces photos, hé bien, oui, ça soulage… » La mère et la fille s’apprêtent à repartir quand Lineat, jusque là silencieuse, s’excuse presque de vouloir dire quelque chose qui semble lui tenir à cœur : « Je vais en parler à mes copines. » Transmettre. C’est peut-être le pari que l’exposition a remporté ce soir.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">L’inauguration touche à sa fin. Peu à peu le public déserte les travées de l’exposition, délaissant les mannequins d’acier sur lesquels les femmes photographiées semblent retomber dans l’oubli, orphelines de l’attention qu’on leur a portée le temps d’une soirée. Seuls quelques visiteurs s’attardent. Parmi eux, une jeune fille scrute inlassablement les visages, parcoure les textes avec attention : « Je suis particulièrement émue par ces portraits. » Peut-être parce qu’ils lui parlent un peu d’elle. Sophal a 22 ans, un sourire désarmant aux lèvres, un appareil photo en bandoulière. Il faut du temps pour qu’elle se livre, un peu, retrace le parcours chaotique qui l’a conduite à croiser un jour le chemin de ce Festival d’Angkor. Originaire de Siem Reap, née dans une famille pauvre, Sophal n’est pas allée à l’école. Encore enfant, elle restait à la maison pour garder ses frères et sœurs. Un peu plus tard, ses parents l’ont envoyée vendre des fleurs dans les rues de la ville pour rapporter un peu d’argent. Sans plus de détails, évoquant son « voisinage », Sophal raconte qu’elle y a connu des violences. À peine une ombre passe-t-elle devant ses yeux toujours pétillants. Comme si le passé était désormais relégué aux oubliettes, impuissant à fracturer l’existence qu’elle s’est depuis construite. La vie de la rue sera pourtant son quotidien jusqu’à ses 17 ans. C’est à cet âge qu’elle pousse la porte d’Anjali House, une association venant en aide aux enfants des rues et à leurs familles.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Anjali House a été créée en 2006 à l’initiative d’un groupe de photographes qui, un an plus tôt, avait lancé la première édition du Festival photo d’Angkor. Depuis, les deux projets ont avancé en parallèle, conçus pour être imbriqués l’un dans l’autre. Anjali – un mot sanscrit qui signifie « offrandes » – développe toute une panoplie d’activités pour aider parents et enfants à sortir ces derniers de la rue : programme éducatifs, cours d’anglais, aide sanitaire, éducation physique, initiation à l’informatique. Mais une grande partie de son travail repose sur une ouverture à l’art, en particulier la photographie. Chaque année, à l’occasion du Festival, les enfants d’Anjali ont la possibilité de participer à des ateliers aux cours desquels ils présentent leur travail et reçoivent les conseils de photographes professionnels. Transmettre, encore.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">Cette chance de rencontrer Anjali et le Festival, Sophal l’a saisie au bond. Peu à peu, la jeune fille s’est reconstruite, se passionnant pour la photo, démontrant un vrai talent, décrochant même un prix en 2010 et inaugurant, la même année, sa première exposition personnelle. Désormais, Sophal vole de ses propres ailes. Elle a quitté Anjali House pour travailler à Halo Trust, une ONG anglaise spécialisée dans le déminage, une tâche immense au Cambodge où les mines anti-personnel font encore 200 victimes chaque année. Comme si Sophal avait trouvé dans l’aide qu’elle peut apporter aux autres le moyen de rassasier ce besoin de consolation dont elle ne parle jamais. Pour elle, en tout cas, décrocher cet emploi est une nouvelle chance : « Grâce à ce travail, je suis respectée… » Mais la jeune fille n’a pas pour autant renoncé à la photographie. Cette année encore, elle participe aux ateliers organisés dans le cadre du Festival : l’occasion, aussi, de rendre visite à la « maison des offrandes » qui lui a tant donné…</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;">C’était le 1<sup>er</sup> décembre 2012. Un samedi soir sur la Terre… Grâce à Sophal, Kimly et sa fille, Oudom, Sinoun et Lineat, Soda et sa famille, tous rassemblés autour des portraits de ces femmes de Moldavie, du Pakistan, du Guatemala ou de France, une exposition aura permis de tisser un lien, d’étendre la toile de ceux qui ne veulent pas fermer les yeux. Oui, l’espace d’une soirée, Angkor aura peut-être été une véritable Citadelle des femmes.</p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p style="text-align: center;"><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/2338850236.jpg" target="_blank"><img id="media-4108240" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/1048773144.jpg" alt="Angkor, Boris Martin, Récit, Lâm Duc Hiên" /></a></p><p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"> </p><p class="MsoNormal"><span style="font-size: x-small;"><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif; color: #333333;">Vous pouvez retrouver ce texte, accompagné de photographies et d’explications sur les actions de Médecins du Monde sur le site de l’association : </span></strong><strong><span style="text-decoration: underline;"><span style="font-family: Arial, sans-serif; color: blue;"><a href="http://www.medecinsdumonde.org/"><span style="color: #1d8ec0; text-decoration: none;">www.medecinsdumonde.org</span></a> </span></span></strong><strong><span style="font-family: Arial, sans-serif; color: #333333;">Pour plus d’informations sur l’association Anjali House : <a href="http://www.anjali-house.com/">www.anjali-house.com</a></span></strong></span><strong></strong></p><p> </p><p class="resume" style="margin: 0px; padding: 0px; clear: left; font-size: 12px; line-height: 1.5; font-family: Georgia, serif; color: #333333;" dir="ltr"> </p><div><br clear="all" /><hr align="left" size="1" width="33%" /><div id="ftn1"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif;"><a title="" name="_ftn1" href="file:///C:/Documents%20and%20Settings/HP_Propri%C3%A9taire/Mes%20documents/ReportageCambodgeBirmanieD%C3%A9c2012/CarnetAngkor/Article%20Expo%20Angkor.docx#_ftnref1"></a><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt;">[1]</span></span></span>. Évelyne Porée-Maspero, <em>Cérémonie des douze mois, fêtes annuelles cambodgiennes</em>, Phnom-Penh, Institut Bouddhique ‑ Commission des Mœurs et Coutumes, 1950.</span></p></div><div id="ftn2"><p class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif;"><a title="" name="_ftn2" href="file:///C:/Documents%20and%20Settings/HP_Propri%C3%A9taire/Mes%20documents/ReportageCambodgeBirmanieD%C3%A9c2012/CarnetAngkor/Article%20Expo%20Angkor.docx#_ftnref2"></a><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt;">[2]</span></span></span>. Maurice Glaize, ancien conservateur d’Angkor, <em>Les Monuments du groupe d'Angkor</em>, 1944.</span></p></div></div><p> </p>
BM
http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/about.html
Le train circulaire de Rangoon (Birmanie)
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2013-04-27:5056222
2013-04-27T14:02:28+02:00
2013-04-27T14:02:28+02:00
C'était le 8 décembre 2012... A Rangoon (ou Yangon), en Birmanie...
<p>C'était le 8 décembre 2012...</p><p>A Rangoon (ou Yangon), en Birmanie (Myanmar), il existe encore l'équivalent de ce qu'était La petite ceinture à Paris : un train qui fait le tour de la ville, reliant les gares périphériques.</p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077486" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/01/1227620131.jpg" alt="voyage, train, Birmanie" /></p><p>Le ticket (payé 1 dollar) en poche vous offre un voyage de trois heures en bordure de la ville, au contact des campagnes qui s'éveillent, des colporteurs et des maraîchers qui rejoignent les marchés, des étudiants rejoignant leur écoles. Un voyage au rythme du train, échanges de regards et de sourires avec les Birmans. Trois heures de bonheur.</p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077492" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/01/1546337841.JPG" alt="voyage, train, Birmanie" /></p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077496" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/2747482922.JPG" alt="voyage, train, Birmanie" /></p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077494" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/00/406263860.JPG" alt="voyage, train, Birmanie" /></p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077497" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/01/4266222439.JPG" alt="voyage, train, Birmanie" /></p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077500" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/02/3119061431.JPG" alt="voyage, train, Birmanie" /></p><p style="text-align: center;"><img id="media-4077502" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/00/02/1259407069.JPG" alt="voyage, train, Birmanie" /></p>
BM
http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/about.html
Un œil sur le monde - Auguste François
tag:lemondenesuffitpas.hautetfort.com,2012-06-26:4764112
2013-02-20T21:56:33+01:00
2012-06-27T00:19:00+02:00
Voici mon dernier projet de livre en cours, consacré à Auguste François,...
<p><a href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/3723365432.png" target="_blank"><img id="media-3644173" style="float: left; margin: 0.2em 1.4em 0.7em 0;" title="" src="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/02/01/37088477.png" alt="AUGUSTE FRANCOIS_couv.png" /></a>Voici mon dernier projet de livre en cours, consacré à Auguste François, consul de France en Indochine, au Paraguay et en Chine entre 1886 et 1905. Celui qui s'est opposé à Doumer pour la construction du train du Yunnan s'est également fait explorateur, cartographe, photographe et documentariste de la première heure (les Frères Gaumont lui avaient prêté une des premières caméras portables). Le manuscrit est désormais disponible.</p><p>Pour en savoir plus : <a id="media-3644175" href="http://lemondenesuffitpas.hautetfort.com/media/01/01/3023262602.pdf">AUGUSTE FRANCOISProjet.pdf</a></p><p>Pour tout renseignement : <a href="mailto:boris_martin@hotmail.com">boris_martin@hotmail.com</a></p><p>A bon éditeur, salut...</p>